Quatre ans après le lancement, en 2021, de la doctrine militaire française de « lutte informatique d’influence », et la création officielle, en 2022, dans le cadre de la dernière mouture de la revue nationale stratégique, d’une « fonction stratégique influence » au sein de l’Etat, un rapport parlementaire interroge l’organisation et les moyens de cet écosystème hybride. Dans un contexte d’explosion des ingérences numériques étrangères, il appelle à un nouveau virage dans ce domaine aux contours encore flous, à cheval entre objectifs militaires, enjeux de sécurité nationale et diplomatie publique.

Présenté, mercredi 1er juillet, à l’Assemblée nationale, à l’issue d’une mission d’information menée par les députées Natalia Pouzyreff (LREM) et Marie Récalde (PS), ce rapport sobrement intitulé « l’opérationnalisation de la nouvelle fonction stratégique influence » est très prudent. Dans le cadre d’un document de près de 140 pages, il esquisse toutefois trente-quatre recommandations, des plus consensuelles comme la « préservation du modèle économique des médias traditionnels » à des réflexions plus nouvelles sur l’usage assumé du numérique à des fins géopolitiques.

Sur le plan organisationnel, Mmes Pouzyreff et Récalde appellent d’abord à la désignation d’un chef de file clair de la fonction « influence » au sein de l’Etat. Alors qu’aujourd’hui, ce travail est éclaté entre les armées, le ministère des affaires étrangères, mais aussi les services de renseignement et l’agence Viginum, sous tutelle du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), les deux députées tranchent en faveur de ce dernier. En pratique, le SGDSN est déjà, via plusieurs comités informels, le coordonnateur de l’attribution technique de certaines ingérences étrangères.

« L’écueil du démenti permanent »

Faute de pilotage centralisé, il existe un risque d’« archipélisation » des moyens, pointent les députées. Et ce, alors qu’il n’existe pas de « doctrine claire » de « riposte aux manœuvres hostiles », estiment-elles. Même si les armées comme le quai d’Orsay ont bien tenté d’encadrer leurs actions ces dernières années, Mmes Pouzyreff et Récalde appellent, au moins dans le champ défensif, à la définition de « seuils » de réponse, même si ceux-ci doivent rester confidentiels, insistent-elles. De même, tout un travail de redéfinition de la fonction « influence » doit être effectué, alors que ses contours peuvent vite être voisins de la propagande ou de la « communication stratégique ».

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