• En France, plusieurs études montrent que les mathématiques n’enthousiasment plus les élèves.
  • Le bridge aide des milliers de professeurs à leur donner plaisir à faire des maths.
  • Géraldine Gadé, vice-présidente de la Fédération française du bridge en charge des jeunes, nous explique comment ce jeu de cartes peut redonner le goût de l’apprentissage

Deux équipes de deux joueurs se font face. Chacun dispose de treize cartes. Objectif ? Réaliser le plus de levées possibles. Particularité du bridge : le jeu d’un des participants s’étale sur la table et tous les joueurs connaissent les cartes du « mort ». « Franchement, on a fait plus compliqué comme jeu, non ? », s’enthousiasme la Fédération française du bridge sur son site. Géraldine Gadé, vice-présidente de la fédération en charge des jeunes, décrit les enjeux de la partie : « Ça ressemble un peu à la belote, avec des atouts et la possibilité de couper. Il y a moins de place au hasard : vous devez réaliser un plan de jeu, prévoir vos levées et élaborer votre stratégie. S’il vous manque cinq cartes, votre partenaire peut en avoir trois ou aucune. Il faut trouver le chemin le plus simple pour mettre toutes les chances de votre côté pour réussir. » 

Le bridge devient un outil pédagogique intéressant. Il stimule la logique, la mémoire, l’anticipation et la coopération. « Il faut observer les cartes qui tombent sur la table. Les joueurs doivent en déduire des informations, prendre des initiatives et changer leur plan si nécessaire. Le jeu mobilise les quatre éléments fondamentaux des mathématiques : chercher, raisonner, calculer et communiquer« , décrit Géraldine Gadé, également professeure de mathématiques dans un collège des Deux-Sèvres (79). Calcul mental, probabilités, statistiques, algorithmie, etc. le bridge mobilise des compétences parfois lointaines pour les enfants et difficiles à appréhender. « Souvent, les élèves ne savent pas quel chemin prendre pour résoudre un problème et ils se découragent très vite. Le bridge offre une démarche scientifique et ludique« , assure la professeure. 

Convention entre la Fédération de bridge et l’Éducation nationale

Depuis 2012, l’Éducation nationale et la Fédération française de bridge collaborent pour intégrer ce « sport de l’esprit » dans le cadre scolaire. La fédération a formé plus de dix mille enseignants pour introduire le bridge dans leurs activités pédagogiques. Semaine des maths, cours de soutien, mélange entre CM2 et 6ᵉ pour découvrir le collège, tournois entre niveaux, option bridge… « Nous pouvons en faire à tout niveau, y compris dans les classes ULIS (avec des élèves en situation de handicap) ou en SEGPA. En CP, par exemple, nous proposons un « petit bridge » simplifié et centré sur les additions (compléments de dix)« , explique la professeure. 

En 2018, le plan math Villani -Torossian propose 21 mesures pour renforcer l’enseignement des mathématiques : « Ils nous exhortent à faire des maths qui ont du sens et redonner le goût de la recherche aux élèves décrocheurs. Les auteurs du rapport citent les échecs et le bridge« , rappelle la professeure de mathématiques. Dans son collège, elle propose cette activité sur la base du volontariat : « Les élèves viennent essayer, ils s’amusent et ils restent. Je fais jouer plusieurs équipes simultanément avec les mêmes jeux et nous comparons les stratégies. Le bridge redonne goût à l’apprentissage, il favorise l’expression orale, la concentration, la maîtrise de soi, le respect des autres, la coopération ou la vie collective« , énumère Géraldine Gadé. La professeure assure que le bridge favorise la mixité sociale et l’égalité fille-garçon : « Nous donnons de l’ambition aux filles qui restaient habituellement dans leur coin et nous apportons à tous une ouverture culturelle. Beaucoup n’ont jamais joué aux cartes et je les emmène partout en France participer à des compétitions. Certains n’ont jamais pris le train ou l’avion. » 

De quoi redonner confiance aux élèves. « Ils ont plus envie de venir au collège et ils se sentent mieux mentalement. Le bridge leur permet de s’affirmer socialement« , décrit la professeure. Ces challenges redonnent vie à des élèves en échec scolaire : « J’ai eu un élève pendant sept ans qui faisait des bêtises et qui flirtait avec l’exclusion du collège. Il était doué, mais pas fait pour l’école. Il était hyper fort au bridge. Ça l’a valorisé et lui a redonné envie de venir au collège. Il venait avec moi en compétition : il jouait 12 heures de suite et il se tenait toujours parfaitement en voyage. Sa mère m’a même avoué qu’elle se sentait tranquille lorsque son fils jouait avec moi. » 

Geoffrey LOPES

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