- L’institut de centre gauche Terra Nova a présenté son rapport lundi pour faire face à l’ampleur du déficit.
- Une contribution est prévue aussi pour les « vrais gens », jusqu’à « 3.000 euros par foyer et par an », passant par une hausse de la TVA, de la CSG et des coupes sur les pensions de retraite.
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Taxer uniquement les riches ne suffirait pas pour stabiliser la dette publique. Tout le monde, via des mesures, devrait apporter sa contribution pour réaliser un effort de 100 à 120 milliards d’euros par an à moyen terme. C’est ce que propose une note du centre de réflexion Terra Nova publiée lundi 8 décembre. Cet effort, comparable aux estimations de la Cour des comptes ou d’instituts économiques, représente 3,5 à 4% du PIB, ou encore « 2.300 à 3.000 euros par ménage et par an »
, précise Guillaume Hannezo, professeur associé à l’École normale supérieure et auteur de cette note du centre de réflexion classé au centre gauche.
Il faudra faire 100 à 120 milliards d’euros d’économies par rapport à une situation où les dépenses progressent au rythme de la richesse nationale
Il faudra faire 100 à 120 milliards d’euros d’économies par rapport à une situation où les dépenses progressent au rythme de la richesse nationale
Guillaume Hannezo, auteur de la note de Terra Nova
Le problème majeur ? La dette publique progresse aussi vite que la richesse nationale, le déficit se creuse ainsi avant même que la production puisse le résorber. Pour la stabiliser autour de 120 à 130% du produit intérieur brut (contre 115,6% du PIB fin juin), « il faudra faire 100 à 120 milliards d’euros d’économies par rapport à une situation où les dépenses progressent au rythme de la richesse nationale. C’est en plus de ce qu’il faudra faire pour ralentir certaines dépenses qui progressent plus vite que le PIB, comme les retraites et la santé »
, a déclaré à l’Agence France-Presse Guillaume Hannezo.
Cette somme de 120 milliards d’euros paraît très élevée. Sauf qu’elle ne correspondrait qu’au montant que pourrait atteindre la charge de la dette, c’est-à-dire le paiement des intérêts, dans quelques années, si la totalité des 3.400 milliards d’euros de la dette tricolore était refinancée au taux de 3,5% actuellement demandé par les investisseurs étrangers pour prêter de l’argent à la France sur dix ans.
En somme, il s’agit d’une petite proportion, inférieure à un dixième de la dette. Compenser ce montant par des hausses de recettes fiscales et des économies sur les dépenses publiques éviterait que les intérêts à rembourser auprès d’investisseurs étrangers ne deviennent une source d’endettement supplémentaire.
Pour un ajustement de cette ampleur, « on ne fait pas dans la dentelle »
et « tout le monde va devoir être mis à contribution »
, écrit Guillaume Hannezo, en évoquant les redressements effectués par les pays du Sud de l’Europe (Italie, Grèce, Espagne et Portugal) autour des années 2010.
Premier levier à utiliser selon lui de son tournant de la rigueur à utiliser : baisser le niveau des pensions de retraite pour mettre fin à la « sur-épargne »
des seniors, financée par des dépenses publiques de retraites qui grèvent le déficit. Car selon Guillaume Hannezo « plus on est vieux, plus on épargne »
, en s’appuyant sur une note de la Banque de France selon laquelle « le taux d’épargne n’est que de 9% avant 30 ans, puis il monte progressivement à 18% entre 50 et 59 ans, ce qui est normal puisqu’on prépare sa retraite. Sauf qu’il continue de monter jusqu’à 25% au-delà de 75 ans. »
Une baisse de 10 à 12% des revenus des retraités pour les pensions au-dessus du revenu moyen des pensions est préconisée par l’institut, en passant par une désindexation de l’inflation ou une suppression de leur abattement fiscal.
Une hausse de la TVA sur le modèle européen
L’institut Terra Nova juge aussi indispensable d’augmenter un des impôts à taux modéré « payé par le plus grand nombre »
, la TVA ou la CSG (Contribution Sociale Généralisée). Pour la TVA, l’argument que « tous les pays d’Europe qui ont des taux de dépenses par rapport au PIB supérieurs à 50% ont des taux de TVA plus élevés »
, est évoqué dans le rapport. De même que pour la CSG, un impôt qui touche aussi les personnes aux revenus les plus modestes.
En pratique, « l’État va devoir reprendre un peu plus de pouvoir d’achat qu’il n’en redistribue »
, explique Guillaume Hannezo.
Et on ne pourra pas faire « accepter ces sacrifices sans un très gros effort durable des plus riches et un effort au moins temporaire des entreprises »
, autour de 10 à 15 milliards d’euros pour chacune de ces catégories, prévient-il dans sa note. Même dans ce cas, il restera encore « 70 à 90 milliards d’euros à reprendre sur les vrais gens, les 99%, c’est-à-dire 2.300 à 3.000 euros par foyer et par an »
, prévient-il.
Des réponses politiques insuffisantes
Cette note enjambe les débats politiques actuels autour de la dette. Taxer les plus riches comme le propose la gauche ? Oui, mais cela ne résorberait que « 10 à 15% au besoin d’ajustement »
bien « loin de suffire à atteindre l’objectif »
, selon l’institut. Et « travailler plus »
comme le propose le gouvernement et le reste de la droite ? Une « contribution appréciable, mais décisive »
, qui ne participerait qu’à 5 à 10% de la résolution de l’impasse.
« Selon leurs orientations, les politiques essaient de faire croire qu’on peut se contenter de réduire le train de vie de l’État, avec moins de fonctionnaires, ou de travailler plus, de reprendre aux très riches ou de faire payer les entreprises : tout cela peut contribuer, mais aucune de ces solutions n’est à la taille »
, soutient à l’AFP cet ancien conseiller économique de François Mitterrand.
Pour autant, « c’est une note optimiste »
, ajoute Guillaume Hannezo. Avec une épargne intérieure importante, une économie diversifiée toujours attractive pour les investissements étrangers et un État solide qui sait lever l’impôt, la France « saura faire »
ce redressement. Car « à la fin, ce qui compte, c’est moins le niveau absolu de la dette que sa dynamique de déficit »
, au risque que les créanciers estiment que l’État perd le contrôle de sa dette et que les marchés arrêtent de financer.

