« Le train direction Poissy partira voie 12 », annonce la voix de la SNCF, gare Saint-Lazare, à Paris. Magali Bardak rentre de sa journée de travail. Depuis décembre 2023, elle vit dans une résidence baptisée Commune Coliving, une adresse ouverte par une start-up. Ici, on ne loue qu’aux parents célibataires, auxquels on demande de gagner deux fois le montant du loyer. Avant d’atterrir dans ce logement, elle a vécu une chute vertigineuse, qu’elle retrace pour nous le temps d’une soirée.

L’histoire de Magali est tristement banale. Elle commence par l’heureux cliché de la famille : un couple, deux enfants, Gabriel, 17 ans, Léa, 13 ans (leurs prénoms ont été changés), une maison en banlieue, des salaires très corrects, une vie sociale animée. Un jour de juin 2022, le père part pour une autre. La mère dégringole psychologiquement, financièrement et socialement. Dans le wagon du train de banlieue, elle déroule son histoire à voix basse. Le couple met la maison en vente. « Pour moi, ce n’est pas possible de revenir à un appartement, je ne peux pas être perdante partout, dit-elle. Je veux repositionner tous mes meubles, que chacun ait sa chambre. Je me dis que cela va m’aider, qu’on part pour “mieux”. » Après deux mois de recherche, elle trouve une maison de 120 mètres carrés à louer. Sa cousine accepte de figurer comme colocataire sur le bail, pour faire passer le dossier : Magali est office manager et gagne 2 400 euros par mois ; la maison en coûte 1 500.

« Noyée », c’est l’adjectif qu’elle choisit. Très vite, elle comprend que cette maison n’est pas le salut espéré. La peur colonise son quotidien, celle de perdre son travail en premier lieu. Elle ne mange plus, ne dort plus. Quand son médecin propose de lui prescrire des antidépresseurs, elle refuse. « Si j’en prends, je vais m’engouffrer. » Ce traitement, elle y a eu droit à 18 ans, juste avant de rencontrer l’homme avec qui elle a fondé sa famille. « On s’était juré de ne pas faire vivre tout cela à nos enfants », souffle-t-elle avec amertume.

Le train entre en gare de Poissy. Elle nous invite dans le petit appartement qu’elle occupe avec eux. Autour d’un verre d’eau, dans une salle à manger sans fenêtres, qui fait office d’entrée, de kitchenette et d’unique pièce de vie, on rencontre Léa et Gabriel. Depuis sa chambre, porte ouverte, la jeune fille écoute d’une oreille discrète cette histoire qu’elle connaît déjà par cœur. « Tu seras mieux sans papa », lui ont-ils dit au moment de la séparation.

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