Amandine, 13 ans, est morte de faim le 6 août 2020 à Montblanc.
Quand les secours l’ont retrouvée, elle pesait 28 kilos pour 1,55 m.
Sa mère, Sandrine P. et son compagnon sont jugés à partir de ce lundi et jusqu’à vendredi devant la cour d’assises de l’Hérault pour privation de soins notamment.

C’est à 16h55, le 6 août 2020 que les secours ont été appelés par Sandrine P. pour venir en aide à sa fille, Amandine, 13 ans, alors qu’elle était en arrêt cardiorespiratoire. À leur arrivée au domicile familial de Montblanc dans l’Hérault, les gendarmes, les pompiers puis le médecin se sont retrouvés face au corps sans vie de la victime, et à sa mère qui leur expliquait qu’elle « venait de s’étouffer avec une compote, avant de vomir » et de s’écrouler au sol. Une version que dès le départ personne n’a crue. À cet instant, tous ont été marqués par l’extrême maigreur de cette enfant dont les orbites étaient enfoncées, certaines dents manquantes, les pommettes proéminentes, les joues creuses, les cheveux arrachés par endroit et le corps couvert d’hématomes. 

 

À partir de ce lundi et jusqu’à vendredi prochain, Sandrine P., 54 ans, et son compagnon de l’époque, Jean-Michel C., 49 ans, sont jugés par la cour d’assises de l’Hérault. La première pour « actes de tortures et de barbarie ayant entraîné la mort sans intention de la donner » notamment. Le second pour « privation de soins et de nourriture ayant entraîné la mort ».

Violences, affamement, humiliation

Comment a-t-on pu faire subir un tel sort à cet enfant ? Dès la naissance d’Amandine, Sandrine P. mère de cinq autres enfants de deux pères différents, avait fait d’elle son souffre-douleur, l’insultant, la menaçant de mort et l’humiliant comme pour la sanctionner d’une « grossesse compliquée » et des « caprices » qu’elle pouvait faire dès l’âge de deux ans, ainsi que de son « comportement alimentaire instable ». La gradation punitive s’est accélérée quand elle s’est séparée du père de ses enfants, empêchant ce dernier de les voir, et qu’elle a refait sa vie. 

En classe de 6ᵉ, Amandine, maltraitée par sa mère depuis des années, trouve son salut à l’internat et ne rentre au domicile que le week-end. Le mieux qui pouvait lui arriver sans doute. Mais l’arrivée du Covid-19, et le confinement l’ont contrainte à revenir dans cette maison de l’enfer. Elle ne reprendra jamais le chemin de l’école durant cette funeste année 2020.

Car pour punir cette enfant qu’elle a décrite au cours de ses auditions comme « compliquée« , « voleuse« , « menteuse » et désobéissante et à qui elle demandait de l’appeler « Madame« , sa mère, une femme soignée d’apparence et qui avait un salon de manucure, lui a donc infligé les pires sévices, sans que son nouveau compagnon intervienne. 

En plus des violences répétées, elle l’a affamée, contrainte à manger son vomi, dénudée. Elle l’a aussi forcée à s’agenouiller de longues heures sur un objet cylindrique et contrainte à recopier jusqu’à l’épuisement des lignes d’écritures – parfois des livres entiers – après l’avoir enfermée jour et nuit dans un cagibi du domicile dépourvu de fenêtre mais muni de caméras reliées à un système de surveillance pour vérifier qu’elle exécutait les punitions qu’elle lui imposait. 

Son beau-père, gérant d’une société de contrôle technique, l’a aussi privée d’aliments ou de soins. Ce dernier, après avoir déclaré : « Je ne sais pas comment j’ai pu passer à côté de sa maigreur extrême », a fini par reconnaître sa part de responsabilité dans le fait de « ne pas avoir réagi ». 

« Victime de négligences graves »

L’autopsie réalisée sur le corps de la victime a conclu à un décès naturel, consécutif à un rythme cardiaque secondaire à un état cachectique notamment. « La personne décédée à l’âge de 13 ans a dû être victime de négligences graves de la part de son environnement familial pour atteindre un tel niveau d’amaigrissement et de mauvaise hygiène », a conclu le médecin légiste. Le jour de son décès, Amandine pesait 28 kg pour 1,55 m.

Sur un cliché pris au début de l’année scolaire 2019 à l’internat, l’adolescente était pourtant souriante, et ne présentait d’apparence, aucun signe de faiblesse ou de maigreur. La photo prise le jour de sa mort ne peut que rappeler les images des rescapés des camps de concentration, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale…« On aurait dit qu’elle a vécu l’Holocauste » a lâché son père après l’avoir vue.

« Des failles du système de protection de l’enfance »

Le père d’Amandine, ainsi que de nombreuses associations de protection de l’enfance, se sont constituées parties civiles dans ce dossier. Parmi ces associations, L’Enfant Bleu – Enfance Maltraitée qui « souhaite honorer la mémoire d’Amandine tout en interrogeant les failles du système de protection de l’enfance ».

Selon elle, il y a eu une « sous-estimation de la gravité de la situation ».  « Malgré plusieurs signalements – témoignages de l’école, des voisins et les plaintes du père pour non-représentation – et trois saisines du juge des enfants, aucune mesure d’assistance éducative n’a été ordonnée. À chaque fois, le juge a considéré que l’enfant n’était pas en danger, estimant le suivi psychologique en place suffisant et la mère suffisamment impliquée. Aucune mesure concrète de protection n’a été mise en œuvre », pointe-t-elle notamment ajoutant que « ces alertes ont été ignorées ou classées sans suite ». Le premier signalement date de 2014, alors qu’Amandine n’avait que huit ans et que des bleus avaient été constatés sur son corps. L’enfant parlera déjà de punitions infligées par sa mère, mais la fautive parviendra toujours à s’en sortir. 

La mère encourt la réclusion criminelle à perpétuité

En 2021, quelques mois après la mort d’Amandine, Sandrine P. et Jean-Michel C. ont été interpellés, placés en garde à vue, avant d’être mis en examen et écroués. 

Pour les faits qui lui sont reprochés, Sandrine P., encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Jean-Michel C. encourt lui jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle.


Aurélie SARROT

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