Alors que la commission d’enquête sénatoriale sur les aides publiques aux grandes entreprises a rendu ses conclusions le 8 juillet, la question de leur ampleur, de leur efficacité et de leur pilotage est loin d’occuper la place qu’elle devrait dans le débat budgétaire. Et pourtant, les auditions menées ces derniers mois ont confirmé un constat largement partagé par les chercheurs comme par les administrations : ces aides sont nombreuses, peu lisibles et rarement évaluées. Leur poids dans les finances publiques, comme leur rôle dans les orientations économiques du pays justifieraient un examen bien plus soutenu.

L’une des raisons tient à leur nature. Une grande partie des aides publiques aux grandes entreprises ne prend pas la forme de subventions directes, mais passe par des avantages fiscaux (comme les allègements d’impôt) ou des exonérations de cotisations sociales. Ces dispositifs ne donnent pas lieu à des versements : ce sont des recettes que l’Etat ou la Sécurité sociale choisissent de ne pas percevoir. Résultat : ils n’apparaissent pas comme des dépenses dans les documents budgétaires, et échappent en grande partie au débat public – alors même qu’ils représentent une forme de dépense à part entière.

Soutiens indirects

Notre étude, publiée cette semaine dans la Revue d’économie politique (Abdelsalam, Delatte, Guillaume, 2025), propose pour la première fois une estimation globale et historique de ces aides indirectes. Elles n’avaient jusqu’ici jamais été rassemblées en un seul endroit, dans une perspective historique permettant d’en suivre l’évolution et d’en apprécier les tendances de long terme. En exploitant quarante-cinq ans d’archives économiques et financières, nous mettons en lumière trois faits marquants.

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D’abord, leur ampleur : en moyenne, plus de 90 milliards d’euros d’avantages fiscaux et d’exonérations sociales sont accordés chaque année aux entreprises. En 2022, cela représentait plus de 110 milliards d’euros de recettes non perçues. Pour 100 euros d’impôt sur les sociétés théoriquement dus, seuls 70 sont effectivement collectés. Pour 100 euros de cotisations sociales dues, la Sécurité sociale n’en reçoit que 84. Ces soutiens indirects représentent désormais près de 60 % de l’ensemble des aides publiques aux entreprises.

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