Alors que le débat public est trop souvent orienté vers le renforcement des arsenaux répressifs dans tous les domaines, la question de la nature et du cadre d’emplois de la police nationale doit être urgemment reconsidérée sous un autre angle. La France, comme d’autres grandes démocraties, doit redécouvrir la police de proximité.

Posons les choses d’emblée, afin d’éviter les mauvaises interprétations involontaires et les caricatures : la police de proximité n’a pas vocation à remplacer les autres fonctions qui lui sont dévolues. Oui, la répression et le maintien de l’ordre sont nécessaires ; oui, la lutte contre le narcotrafic nécessite d’autres moyens ; oui, l’investigation doit retrouver les marges de manœuvre dont elle disposait avant que la récente réforme de la police judiciaire lui coupe les ailes.

L’adresse lapidaire de Nicolas Sarkozy aux policiers en 2003 (« Vous n’êtes pas des travailleurs sociaux. Organiser un match de rugby pour les jeunes du quartier, c’est bien, mais ce n’est pas la mission première de la police ») a eu, malgré son outrance, des conséquences désastreuses. La police de proximité mise en place par Lionel Jospin était renvoyée au statut de vaste blague, malgré ses résultats prometteurs. L’image est restée à droite et à l’extrême droite, sans que quiconque s’avise d’y regarder de plus près.

Dialogue et prévention

Et pourtant… Est-il déshonorant pour notre police d’imaginer des missions de présence quotidienne auprès des habitants, de recréer le lien distendu entre forces de l’ordre et population, de lutter contre l’insécurité tout en désamorçant les tensions sociales, de revenir à une approche plus équilibrée par le dialogue et la prévention, de privilégier le contact permanent et la coopération, de renforcer les relations avec les collectivités territoriales, nos concitoyens les plus fragiles, le tissu associatif et commerçant de nos villes… ?

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D’autres le font depuis longtemps et avec succès, y compris dans des situations particulièrement difficiles. L’Irlande du Nord, par exemple, où la création du Service de police d’Irlande du Nord, en 1998, s’est accompagnée d’une refonte complète de la stratégie policière, avec un accent particulier sur la proximité, le dialogue et la coopération avec les communautés locales.

Nos voisins britanniques également, chez qui, depuis vingt ans, se développe à Londres la Safer Neighbourhoods Initiative, qui a instauré des équipes de police dédiées dans chaque quartier. Ou encore le Canada, où la police communautaire (community policing) est un pilier central de la stratégie de sécurité publique depuis plusieurs décennies. Un modèle qui repose sur la conviction que la police doit être intégrée dans la population et que la sécurité est une responsabilité partagée entre les forces de l’ordre et les citoyens.

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