• La troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan débute lundi 9 juin à Nice.
  • Plus d’une cinquantaine de chefs d’État sont attendus pour ce sommet hautement diplomatique.
  • Si aucune résolution contraignante n’y verra le jour, au contraire des COP, plusieurs temps forts sont annoncés.

Suivez la couverture complète

Notre planète

Paris veut en faire un rendez-vous fondateur pour les océans. Ce lundi s’ouvre, à Nice (Alpes-Maritimes), la troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC-3) co-organisée par la France et le Costa Rica. Si de nombreux autres événements se sont déjà tenus dans la ville azuréenne (nouvelle fenêtre) depuis le 3 juin, le « segment officiel », lui, doit durer du 9 au 13 juin. Selon le décompte de l’Élysée, plus d’une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement sont attendus pour 167 délégations et un peu plus de 30.000 personnes. 

Un rendez-vous organisé autour de quatre axes : « Mieux gouverner ensemble, mieux protéger, mieux profiter et mieux connaître », détaille-t-on à l’Élysée. L’occasion aussi, pour la France, de profiter de la conférence pour « monter d’un cran en termes de visibilité » sur ces questions. De son côté, l’ONU présente ce rendez-vous comme l’occasion « d’accélérer l’action et mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l’océan ». 

L’UNOC : qu’est-ce que c’est ?

Contrairement aux COP, la Conférence des Nations unies n’a pas vocation à aboutir à une déclaration contraignante des participants. Son but est de mettre en œuvre l’objectif de développement durable n°14 (ODD 14) des Nations unies (nouvelle fenêtre) sur l’environnement marin. « Ce n’est pas une enceinte de négociation, ce n’est pas une COP, elle n’a pas de lien avec un traité particulier », précise Julien Rochette, directeur du programme climat à l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (Iddri). 

Le sommet devrait simplement se terminer par une présentation du « Plan d’action de Nice pour l’océan », composé de la déclaration finale signée par les participants et actuellement négociée à New York, et d’une liste d’engagements volontaires de la part des parties prenantes. « On attend une déclaration finale ambitieuse, mais générale », pointe ainsi l’Élysée. 

Plus que la position commune, l’importance de cette troisième conférence des Nations unies sur l’Océan réside bien dans l’attitude qu’y adopteront les différents pays. « L’UNOC est traditionnellement un moment où les États qui président cherchent à utiliser le moment pour pousser des agendas », avance Julien Rochette, tandis que l’Élysée dit attendre « des engagements au niveau des États » sur plusieurs sujets.

BBNJ : un traité enfin ratifié ?

En mars dernier, lors de l’événement SOS Océan, préparatoire à l’UNOC-3, Emmanuel Macron avait dressé une liste de huit  objectifs (nouvelle fenêtre) pour la troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan. Parmi eux : permettre l’entrée en vigueur du Traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine (BBNJ). Pour le moment, 112 pays l’ont signé, mais seuls une trentaine l’ont ratifié. Problème : le texte ne peut réellement entrer en vigueur que 120 jours après la 60ᵉ ratification.

Une marque que la France souhaitait atteindre à la Conférence des Nations unies. Mais mercredi, l’Élysée a reconnu ne pas être sûr d’atteindre cet objectif. « On a des très bons résultats, on n’est pas sûr qu’on sera à 60 le 9 juin, même si on en n’est a priori pas si loin », a indiqué une conseillère d’Emmanuel Macron qui s’est aussi dit confiante « sur le fait que, en 2025, le traité BBNJ soit ratifié par 60 États et entré en vigueur ». 

Lors d’une conférence de presse en mai, l’ambassadeur français pour les pôles et océans et envoyé spécial du président de la République à l’UNOC, Olivier Poivre d’Arvor, avait lancé un appel à la mobilisation. « À quoi bon décider de négocier un traité historique si on le laisse dans un tiroir ? Un traité signé ne protège rien, mais un traité ratifié change tout (…). Il n’y a aucune gouvernance possible de la mer sans ratification », avait-il alors alerté. Ces derniers jours, il a estimé que sans les 60 ratifications nécessaires, la conférence de Nice sera « un échec ». 

La ratification du traité est d’autant plus importante que sa mise en œuvre est une condition indispensable pour la mise en place de la toute première COP Océans, que beaucoup jugent indispensable dans le contexte actuel. Le traité, adopté en juin 2023 (nouvelle fenêtre), vise à mettre à l’abri des écosystèmes marins vitaux pour l’humanité dans les eaux internationales, qui couvrent près de la moitié de la planète. Il prévoit notamment la création d’aires marines protégées où certaines activités, comme la pêche ou l’extraction minière, pourraient être limitées. 

Aires marines protégées : le sujet des annonces fortes ?

Les aires marines protégées, qu’on appelle AMP, seront ainsi au cœur de l’attention à l’UNOC-3 avec un objectif fixé au niveau international : protéger 30% de l’océan d’ici à 2030. Et le chemin est long, ces zones océaniques conçues pour préserver la biodiversité d’un site et y gérer durablement les activités humaines n’en recouvrent aujourd’hui que 8,4%, soit une surface d’environ 29.028.224 km², plus ou moins bien gérées.

Une étude publiée par le CNRS en mai 2024 (nouvelle fenêtre) alertait sur la gestion parfois défaillante des aires marines protégées déjà créées dans le monde. En analysant les 100 plus grandes AMP de la planète, soit 90% des zones marines protégées à l’échelle internationale, les chercheurs ont « mis en évidence qu’un quart de cette superficie est dépourvue de réglementation et de gestion ». Par ailleurs, plus d’un tiers des AMP autorise des activités industrielles telles que la pêche commerciale à grande échelle (nouvelle fenêtre), « principale cause de la perte de biodiversité dans les océans, normalement incompatible avec la conservation marine », pointent aussi les scientifiques.

Dans ce domaine, des annonces sont attendues à l’UNOC-3 et la France a ouvert la voie dans ce domaine. Particulièrement décrié pour sa gestion « à la française » de ses AMP (nouvelle fenêtre) – autorisant notamment des activités qualifiées de dommageables pour l’environnement comme le chalutage de fonds – Emmanuel Macron a déjà annoncé, ce week-end, vouloir « limiter l’activité » des chaluts de fond dans certaines zones des aires marines protégées (AMP) françaises. « Il y a des endroits où il faut limiter leur activité, qui en raclant le fond, vient perturber la biodiversité et des écosystèmes qu’il faut apprendre à protéger », a déclaré le chef de l’État, au cours d’un entretien avec plusieurs quotidiens de la presse régionale.

Fonds marins et plastique : sujets brûlants

Autres sujets que la France souhaite mettre en avant : le plastique et accélérer les négociations sur le traité international contre cette pollution. La pêche et notamment la lutte contre la pêche illégale, illicite et non déclarée (INN) sera également au cœur des discussions, tout comme la décarbonation du transport maritime, sur lequel un traité a été signé au niveau de l’Organisation maritime internationale (nouvelle fenêtre) en avril dernier. Invité de dernière minute : l’exploitation des fonds marins, qui a connu un important rebondissement ces dernières semaines avec la volonté de Donald Trump de permettre cette activité minière dans des espaces hautement sensibles.

Emmanuel Macron devrait ainsi profiter de l’UNOC-3 pour pousser sur un moratoire sur cette question (nouvelle fenêtre) et réunir sur ce dossier le nombre le plus important de pays possible. Autres sujets sur lesquels des annonces peuvent être attendues : la création d’une coalition des villes et régions affectées par la montée des eaux ainsi que la promotion du Pacte européen pour l’océan. Tourisme « bleu » responsable, énergie ou biotechnologies seront aussi discutée au cours du sommet de Nice.

Ave une question : dans quel contexte diplomatique se déroulera cette conférence sur l’océan ? Les États-Unis, marqués par l’incertitude politique liée au retour au pouvoir de Donald Trump (nouvelle fenêtre), qui s’est retiré fin janvier de l’Accord de Paris, n’ontjamais officialisé leur participation au segment officiel. Toutefois, 149 scientifiques américains ont participé au congrès scientifique précédant l’UNOC-3, principalement issus de fondations ou d’universités, selon les organisateurs. Malgré tout, l’Élysée veut faire de cette conférence des Nations unies sur l’Océan « une opportunité unique pour replacer l’océan au cœur de l’agenda mondial » et veut faire du rendez-vous un « catalyseur pour mettre en lumière des sujets qui avancent peu depuis des années ». 

Annick BERGER

Partager
Exit mobile version