Les polémiques autour des salles de « shoot » ne sont que la dernière illustration de la complexité à déployer, en France, une politique sanitaire dite de « réduction des risques », en parallèle de la réponse sécuritaire face à l’usage, illicite, de drogues. Retour sur les étapes-clés de cette stratégie de santé publique qui vise, plutôt que le sevrage, à prévenir et réduire les risques et les effets de la consommation de drogue.

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Les « années sida », moment fondateur

Quand on questionne les acteurs de terrain, addictologues, militants, médecins, sur l’acte fondateur de la réduction des risques, ils avancent une date-clé : 1987. Cette année-là, alors que flambe l’épidémie de sida, touchant en premier lieu la communauté homosexuelle et les usagers de drogues, la ministre de la santé de l’époque, Michèle Barzach, médecin de formation dans un gouvernement de droite, arrache de haute lutte, face à ses homologues de l’intérieur et de la justice, un décret autorisant, de facto, la vente de seringues. Une façon de lutter contre l’échange de matériel entre toxicomanes, reconnu comme l’un des vecteurs de contamination.

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Il n’est dès lors plus nécessaire de justifier de son identité pour se procurer des seringues en officine. Une petite révolution : après des décennies dominées par le « dogme de l’abstinence » et l’« injonction thérapeutique » pour faire « décrocher » le drogué, l’urgence des « années sida » vient bousculer la donne. Avec cette logique nouvelle portée par les usagers et les associations : il s’agit de réduire les risques liés à la consommation de drogue (overdose, infections, dommages sociaux, psychologiques…), l’arrêt stricto sensu n’étant plus le seul objectif.

Dans la foulée du décret Barzach, des programmes d’échange de seringues se développent. Avant une autre étape importante, en 1995 : l’autorisation de mise sur le marché de traitements de substitution à l’héroïne, la méthadone et le Subutex. « Un cap est franchi avec ces prescriptions pour les usagers, au nom de risques sanitaires jugés plus importants », explique l’universitaire Yann Bisiou, spécialiste du droit des drogues. Cela ne s’est pas fait sans heurts. « Les défenseurs de la réduction des risques étaient alors considérés comme venant trahir le soin. Chez les médecins, on parlait de “dealers en blouse blanche”, l’équipe dans laquelle j’exerçais a explosé », se souvient l’addictologue Jean-Pierre Couteron, qui va participer, dix ans plus tard, à la création d’un autre dispositif important, les consultations jeunes consommateurs.

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