
Près de neuf supermarchés sur dix enfreignent la loi en vendant de l’alcool aux mineurs, dénonce, au vu de tests menés à Nantes, Angers et Rennes, l’association Addictions France, qui réclame, jeudi 3 juillet, des « sanctions réellement dissuasives » et des contrôles fréquents par l’Etat. Sur 90 établissements des enseignes Auchan, Lidl, Leclerc, Diagonal, U Express, Intermarché, Carrefour, Monoprix, Franprix et G20 testés en avril et en mai, 86 % ont vendu de l’alcool à des mineurs, selon l’association. Contre 93 % lors d’une opération similaire en 2021.
« Malgré l’interdiction formelle de vente d’alcool aux mineurs et l’engagement de l’Etat à mieux la faire respecter, l’accès à l’alcool reste, en 2025, très aisé pour les mineurs », déplore auprès de l’Agence France-Presse (AFP) la responsable du plaidoyer chez Addictions France, Myriam Savy. Pour ces tests, des mineurs se sont rendus, accompagnés d’un huissier, dans des supermarchés, dont une partie avait « déjà fait l’objet de constatations ». Seuls 8 % des établissements ont demandé une pièce d’identité pour vérifier l’âge des clients.
Quelque 37 procédures judiciaires ouvertes
L’article L.3342-1 du code de la santé publique précise que « la personne qui délivre la boisson exige du client qu’il établisse la preuve de sa majorité » via un « acte systématique », « non conditionné par le simple doute sur l’apparence physique du client », rappelle Addictions France.
Ces achats tests « ont systématiquement été réalisés en pleine journée, en semaine », le plus souvent à des moments de « faible affluence, avec peu, voire aucun, client à la caisse », précise l’association pour battre en brèche par avance l’argument d’une « pression liée à l’affluence » pour justifier le non-contrôle de l’âge. Dans le détail, sur les 25 magasins Carrefour testés, seuls deux ont refusé la vente, deux également chez les 11 Lidl testés, comme au sein des sept magasins du groupe Coopérative U visités. Parmi les autres enseignes : un seul magasin E.Leclerc sur six a refusé la vente au mineur, un seul Intermarché sur sept, aucun Monoprix sur les six testés et aucun Auchan, sur les deux.
A l’été 2023, l’association avait testé en Loire-Atlantique 42 bars et points de restauration rapide en zones urbaines et rurales : un seul avait refusé la vente après vérification de l’âge du mineur. Ses constatations en 2023-2024 ont donné lieu à l’ouverture de 37 procédures judiciaires dont les premières, « ne seront plaidées que le 9 décembre 2025 », soit un délai qui « renforce un sentiment d’impunité et banalise la transgression de la loi », juge Addictions France.
Une « inefficacité générale du dispositif réglementaire actuel »
Face à « l’inefficacité générale du dispositif réglementaire actuel » et de la « Charte d’engagements responsables » signée par la grande distribution (Carrefour, Auchan, Lidl, Monoprix…) en 2019, en partenariat avec la Fédération du commerce et de la distribution, l’association Addictions France demande des contrôles aléatoires systématiques par l’Etat, et des sanctions « réellement dissuasives ».
Avec des amendes atteignant 2 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise si celui-ci est inférieur à 100 000 euros, et 10 % à partir de 500 000 euros selon un régime de sanctions graduées rappelant ceux du droit de l’environnement ou de la concurrence.
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Le recours aux sanctions administratives pourrait être systématisé, allant de l’avertissement à la suspension, voire au retrait de la licence par le préfet ou le maire après deux récidives. Et les moyens qui seraient mis en œuvre permettraient de juger ces délits sous six semaines.
Car, si vendre de l’alcool à un mineur est un délit passible d’une amende de 7 500 euros, aujourd’hui « les contrôles sont rares, les poursuites peu fréquentes et les condamnations à hauteur de la peine maximale quasiment inexistantes », affirme Addictions France.
En juillet 2024, la cour d’appel de Pau a confirmé la condamnation de Lidl à 5 000 euros d’amende pour avoir vendu de l’alcool à un mineur de 16 ans, qui s’était tué à Urrugne (Pyrénées-Atlantiques) le 8 mai 2021 en heurtant un pylône à scooter après avoir été percuté par un ami circulant, lui aussi sous l’empire de l’alcool, sur son scooter. Lidl s’est pourvue en cassation.
En comparaison, en Suisse, qui allie prévention, contrôles aléatoires fréquents et sanctions dissuasives, 65 % des vendeurs ont contrôlé l’âge des acheteurs en 2023, selon l’association.