Un ex-magistrat s’appuie sur des chiffres de l’Assurance maladie pour dénoncer ce qu’il présente comme une possible fraude sociale massive.
Il fait remarquer que le nombre de personnes ayant eu recours à des soins remboursés dépasse le nombre d’habitants recensés en France par l’Insee.
Une comparaison biaisée, rétorque l’Assurance maladie, qui fournit des explications sur ces chiffres surprenants au premier abord.

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L’info passée au crible des Vérificateurs

Sommes-nous confrontés en France à une fraude sociale d’ampleur, dont l’Assurance maladie elle-même apporte les preuves ? C’est ce que l’ancien magistrat Charles Prats suggère (nouvelle fenêtre) sur les réseaux sociaux, s’appuyant sur un chiffre relayé par l’institution sur son site. Sur une page consacrée à la « cartographie des pathologies et des dépenses », il est indiqué (nouvelle fenêtre) que « les bénéficiaires de l’ensemble des régimes d’assurance maladie ayant eu recours à des soins remboursés » étaient « 68,7 millions » en 2022. Un total qui interpelle, puisque l’Insee évaluait (nouvelle fenêtre) la même année à 67,8 le nombre total de Français. 

Des bénéficiaires fictifs toucheraient-ils de l’argent de la Sécu ? Charles Prats pose la question et ajoute que la fraude qu’il pense démontrer pourrait être encore plus importante. En effet, une publication de la Drees a rapporté (nouvelle fenêtre) qu’en 2023, « une personne sur cinq » déclarait « ne pas avoir consulté de médecin en 2023 ».

« L’existence d’un individu dans nos bases ne lui ouvre pas forcément des droits »

Du côté de l’Assurance maladie, contactée par TF1info, on voit dans ce message posté sur X un « sophisme implacable ». Directeur délégué en charge des Finances, de la lutte contre les Fraudes et de l’Audit, Marc Scholler, insiste sur le fait que « l’existence d’un individu dans les bases l’Assurance maladie ne signifie pas que ça lui ouvre des droits systématiques ». Par ailleurs, il estime que l’on « compare ici deux bases qui ne peuvent pas l’être ». 

Au quotidien, la Sécu « gère des droits, y compris pour des personnes qui ne vivent pas nécessairement en France », poursuit-il. « Nous avons tout un tas de cas de personnes qui ne sont pas identifiées comme des résidents », à commencer par les retraités partis vivre à l’étranger, qui sont un peu plus d’un million. Ayant « cotisé durant leur carrière », le droit prévoit qu’ils puissent bénéficier d’une prise en charge de leurs frais de santé s’ils reviennent dans l’Hexagone. 

À ces seniors qui profitent de leur pension hors de France, il faut ajouter des étudiants étrangers. L’affiliation à l’Assurance maladie est « gratuite et obligatoire pour tous les étudiants », qu’ils soient français ou internationaux, rappellent (nouvelle fenêtre) des sites gouvernementaux. « Des travailleurs saisonniers ou frontaliers se voient par ailleurs affiliés », ajoute Marc Scholler. La main d’œuvre étrangère venue de l’UE, évaluée à environ 600.000 personnes, n’est pas immédiatement supprimée des bases de données à la fin d’un contrat : un choix logique puisque nombre de ces travailleurs effectuent des allers-retours fréquents et sont amenés à revenir en France à court terme.

Parmi les 68 millions de personnes qu’évoque l’Assurance maladie, on retrouve également… des morts ! « Quand un individu décède, il est conservé dans nos bases pendant 27 mois », souligne le représentant de la Sécu. Un choix qui s’explique de façon rationnelle, puisque « des soins dont a bénéficié le défunt avant son décès peuvent être facturés post-mortem ». D’autres profils ont été mis en avant dans un rapport (nouvelle fenêtre) cosigné en 2023 par l’Igas et l’IGF, parmi lesquels des individus « dont les droits ont pris fin » (1,1 million de personnes) et qui n’ont dès lors plus la possibilité de prétendre à des remboursements.

« La fraude sociale existe, on ne le nie pas », résume Marc Scholler, considérant toutefois que les malversations dénoncées ici « n’existent pas ». Selon les estimations de l’Assurance maladie, « les charges injustifiées liées à des assurés qui bénéficient de droits alors qu’ils ne devraient plus en avoir seraient de l’ordre de 50 millions d’euros ». C’est « beaucoup », mais loin des milliards d’euros que certains voudraient présenter comme perdus chaque année.

Consulter un médecin n’est pas systématique pour recevoir un soin

Le dernier élément qui mérite des éclairages concerne les Français qui n’ont pas recours à des soins. Selon Charles Prats, qui s’appuie sur la Drees, une personne sur cinq se trouverait concernée, de quoi accentuer à ses yeux l’ampleur de la fraude sociale. À noter que la Drees s’appuie sur des éléments déclaratifs, auprès d’une population âgée uniquement de 18 ans et plus. 

L’Assurance maladie relève en outre que la part de personnes ne recevant aucun soin à l’échelle d’une année se révèle en pratique assez faible. Elle l’explique par le fait qu’il n’est pas nécessaire de consulter un médecin pour bénéficier en France d’un soin et obtenir du même coup un remboursement. « Soins dentaires, infirmiers, masseurs kinésithérapeute », la liste est longue, confie-t-on du côté de la Sécu. « De surcroît en 2022, où l’épisode de l’épidémie de Covid-19 avec le variant Omicron a entraîné de nombreux tests ; des tests Covid chez le pharmacien ou dans un laboratoire de biologie ou chez un infirmier. »

Si l’Assurance maladie entend poursuivre et accentuer ses politiques de lutte contre la fraude sociale, elle incite le grand public à se méfier de certaines idées reçues largement relayées. Qu’il s’agisse des fraudes de personnes nées à l’étranger, dont les montants font l’objet d’estimations fantaisistes, ou bien encore du nombre de « cartes vitales en trop » en circulation. La Sécu juge enfin nécessaire de relativiser les discours sur les bénéficiaires qui seraient nombreux à abuser du système. Au quotidien, les agents en charge des contrôles observent ainsi que 70% du montant des fraudes est imputable aux professionnels de santé, qui surfacturent des actes ou facturent des actes fictifs.

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Thomas DESZPOT

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