Les autorités roumaines ont rejeté dimanche la candidature de Calin Georgescu à l’élection présidentielle.
Une annonce qui a provoqué des manifestations violentes à l’appel des soutiens du candidat d’extrême droite.
Et qui s’est accompagnée d’une série de fausses informations.

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L’info passée au crible des Vérificateurs

Il est considéré comme un cheval de Troie du Kremlin. Et il est désormais privé de participer à l’élection présidentielle. La candidature de Calin Georgescu, fervent défenseur pro-russe d’extrême droite, a été rejetée ce dimanche 9 mars par la Commission électorale roumaine. Une décision qui a provoqué de violentes manifestations de ses partisans et de vives protestations en ligne. Nous revenons sur le vrai du faux de cette nouvelle crise politique qui traverse la Roumanie.

Non, Bruxelles n’est pas à l’origine de cette décision

« En Roumanie, la démocratie est officiellement MORTE, et son tueur n’était autre que l’Union européenne », s’est par exemple insurgé un internaute ce dimanche, dans une publication vue 800.000 fois. « Un vol électoral en bonne et due forme, avec la bénédiction de Bruxelles », accuse de son côté un relai de la propagande russe en France (nouvelle fenêtre), lorsque Florian Philippot évoque un « coup d’État de l’Union européenne ». 

Sauf que Bruxelles n’y est pour rien. Comme nous vous l’expliquions dans plusieurs articles à ce sujet (nouvelle fenêtre), c’est la Cour constitutionnelle roumaine qui a décidé d’annuler ce scrutin le 7 décembre en raison de preuves d’ingérences étrangères identifiées par les trois services de renseignement du pays (nouvelle fenêtre). Aucun lien avec les Vingt-Sept, si ce n’est que la Commission européenne a ouvert une enquête le 17 décembre (nouvelle fenêtre)et demandé à TikTok de conserver toutes les données liées à la campagne électorale afin d’évaluer si la plateforme chinoise avait failli à ses obligations. Une procédure enclenchée onze jours après la décision des autorités roumaines à ce sujet, en s’appuyant sur le Digital Service Act (DSA). Pour rappel, le règlement européen sur les services numériques encadre simplement les obligations des grandes plateformes numériques et ne permet en aucun cas d’annuler une élection présidentielle. Pas plus que d’autres règlements européens.

Or, c’est sur la base de cette décision que la Commission électorale du pays a exclu le candidat arrivé au premier tour du scrutin annulé. « Il serait inacceptable que le processus électoral relancé considère que le même individu est éligible à la présidence », a ainsi déclaré le BEC. Dans sa décision, elle précise par ailleurs que le candidat « ne remplit pas les conditions de légalité » car il a enfreint « les règles démocratiques d’un suffrage honnête et impartial ». Ce lundi, le principal concerné a indiqué (nouvelle fenêtre)avoir fait appel de cette décision.

Reste que cette annonce a effectivement provoqué de vives protestations dans la capitale, devant le bâtiment du bureau électoral en début de soirée. Vers 23 heures locales, de premiers incidents ont éclaté, notamment après que la foule a tenté de forcer un barrage pour entrer dans les locaux. Les gendarmes ont dû disperser la foule à plusieurs reprises à coup de gaz lacrymogène et deux officiers ont été blessés par des jets de différents projectiles. Des émeutes violentes, avec des images qui font désormais le tour des réseaux sociaux, mais dont l’ampleur reste à nuancer. Selon plusieurs sources, dont les très fiables Libertatea (nouvelle fenêtre) et G4Media, les manifestants étaient entre « quelques centaines » et « un millier » au plus fort de la mobilisation. À titre de comparaison, ils étaient 4.000 à descendre (nouvelle fenêtre)dans les rues de Bucarest lors de la dernière manifestation pro-européenne.

Qui sont les acteurs derrière cette mobilisation ?

Pas de quoi parler d’une large révolution. D’autant que ces mouvements seraient coordonnés par la garde rapprochée du candidat. À commencer par trois députés de l’Alliance pour l’unité des Roumains (AUR), parti d’extrême droite et principal soutien de Georgescu. Daniel Catalin Ciornei, Tiberiu Claudiu Barstan et Mihai Bogdan Negoescu, trois élus qui participaient au rassemblement de dimanche soir, sont en effet soupçonnés par la police d’avoir « coordonné » les activités des manifestants, d’après des sources policières citées par G4Media (nouvelle fenêtre), le média à l’origine des premières révélations d’une ingérence étrangère dans l’élection roumaine. 

Se trouvait également dans le cortège Lulea Marius Dorin, comme le montre un entretien accordé à la chaine Digi24. Dirigeant du parti AUR et pressenti pour être Premier ministre d’un gouvernement d’extrême droite, c’est lui qui aurait financé la campagne en ligne de Georgescu (nouvelle fenêtre) et organisé sa montée en puissance sur les réseaux sociaux. 

Montrez que vous êtes déterminés à défendre la démocratie par tous les moyens

Message de Horatiu Potra, le « Prigojine roumain », à ses abonnés

C’est aussi en ligne que les principaux appels à la violence ont été publiés. Tout particulièrement par un certain Horatiu Potra. Dans une boucle WhatsApp (nouvelle fenêtre), ce mercenaire franco-roumain a appelé à défendre la « démocratie » par « tous les moyens » et faire « bouillir toute la Roumanie ». S’il a incité ses abonnés à prendre « votre fourche, votre faux et votre hache », ce n’est pas la première fois que cet ancien soldat proche de la milice russe Wagner (nouvelle fenêtre)tente de déstabiliser le pays. 

Recherché par les forces de l’ordre, il est accusé par le parquet chargé de la lutte contre le crime organisé de mener depuis deux ans « des actions de manière continue et conspirationniste » afin de « porter atteinte à la souveraineté de l’État roumain ». Dernier exemple en date, en décembre dernier, celui qui est surnommé « le Prigojine de Roumanie » aurait planifié (nouvelle fenêtre)une « action de guerre hybride » visant à se rendre dans une manifestation à Bucarest avec des pyrotechniques pour « créer un état de terreur parmi les manifestants et les forces de l’ordre, ce qui aurait conduit à un conflit généralisé ». Objectif : propager les émeutes et discréditer les autorités.

Autant de signes qui démontrent qu’à l’heure actuelle, ces scènes de violence enclenchées après la décision souveraine des autorités roumaines d’exclure un candidat se rapprochent plus du « désordre social » alimenté par Georgescu et ses proches que d’une mobilisation citoyenne. « Manifestement, la mission de Georgescu ne consiste plus à se présenter aux élections, mais à faire régner le désordre social », conclut le média roumain Republica dans un éditorial publié ce lundi.

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Felicia SIDERIS

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