Des voix s’élèvent pour réclamer que l’UE utilise les avoirs russes gelés depuis trois ans afin d’aider l’Ukraine dans le conflit qui l’oppose à son voisin.
Un peu plus de 200 milliards d’euros pourraient ainsi être utilisés, alors que seuls les intérêts de cette somme sont aujourd’hui saisis.
Si des juristes réclament un telle mesure, le droit international empêche en théorie de déposséder la Russie de ces fonds bloqués.

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L’info passée au crible des Vérificateurs

Au lendemain de l’annonce par Donald Trump d’une « pause » dans l’aide militaire apportée par les États-Unis à l’Ukraine, l’UE et la France souhaitent réagir. Pour le président (Renaissance) de la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale, il est urgent de trouver de nouvelles manières d’accompagner l’effort de guerre de Kiev. Pieyre-Alexandre Anglade rappelle ainsi (nouvelle fenêtre) que « nous avons 209 milliards d’avoir russes gelés dans nos banques ». Un montant considérable qu’il souhaite voir saisi, puis affecté « au soutien à la résistance ukrainienne ». 

Cette idée, le ministre délégué chargé de l’Europe Benjamin Haddad ne l’écarte pas totalement, mais il a affiché quelques réserves (nouvelle fenêtre) le plateau de France 2. Une telle saisie « pose des questions juridiques et de message envoyé aux autres investisseurs », estime le représentant du gouvernement.

Geler des avoirs est une chose, les saisir en est une autre

Ce n’est pas la première fois que l’idée de saisir et utiliser les avoir russes gelés en Europe est mise sur la table. L’idée était par exemple défendue l’an passé à la même époque par l’écologiste Marie Toussaint, mais se heurtait déjà à l’époque à une série d’obstacles. Comme l’a rappelé (nouvelle fenêtre) le collectif des Surligneurs, le gel des fonds russes est encadré par le règlement 269/2014 du Conseil du 17 mars 2014. 

Ce texte fixe un cadre législatif à une telle mesure, la définissant comme une action visant à « empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation, manipulation de fonds ou accès à ceux-ci qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l’utilisation, y compris la gestion de portefeuilles ». 

En clair, résument les juristes, « cela signifie que plus aucune action n’est possible sur des fonds gelés », mais que « ces derniers restent la propriété de l’État russe ou des entités sanctionnées. » Au Parisien, l’avocate en droit douanier Marie Fernet a confirmé (nouvelle fenêtre) que les fonds dont il est question « sont gelés, pas confisqués », ce qui signifie que « leur propriété n’a pas été transférée ». Même inutilisables, ils demeurent donc russes et ne peuvent être versés à une autre entité ou État.

Évoquant une clause dite « d’immunité souveraine », protégeant chaque État ainsi que ses biens, France Info a mis en avant (nouvelle fenêtre) les obstacles qui viennent entraver l’UE. Un diplomate en poste à Bruxelles a ainsi estimé auprès de la radio publique qu’il « serait malvenu que l’Union européenne, grande défenseure de l’État de droit, ne respecte pas le droit international ». 

Outrepasser les règles en vigueur, c’est pourtant ce à quoi a appelé un collectif d’universitaires et de juristes au printemps dernier, dans une tribune (nouvelle fenêtre) publiée par Le Monde. « Pourquoi ne pas mettre en œuvre, au titre des réparations, les mesures de confiscation légitimes au regard du droit international coutumier ? », interrogeaient-ils. Et de souligner qu’un document « intitulé ‘La Responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite’ a été élaboré par la Commission du droit international créée au sein de l’Organisation des Nations Unies (ONU) ». Il stipule qu’un « État qui a subi des dommages causés par un autre État peut prendre des contre-mesures, comme la confiscation des avoirs de l’agresseur, afin de l’obliger à réparer les préjudices qu’il a causés ». 

Cette interprétation du droit, assez singulière, n’est pas celle sur laquelle s’aligne la France. Le ministre de l’Économie Éric Lombard a d’ailleurs réaffirmé en ce début mars que « la position de la France, c’est que ces avoirs russes […] appartiennent notamment à la Banque centrale de Russie ».  Puisque « nous ne sommes pas en guerre avec la Russie », le gel des 200 milliards reste la seule option jugée d’actualité.

Des intérêts déjà utilisés pour aider l’Ukraine

Au cours d’une interview à la radio, le ministre Benjamin Haddad a tenu à rappeler qu’à défaut de pouvoir être utilisés directement pour aider Kiev, les avoirs russes gelés y contribuent de manière détournée. « On utilise déjà les intérêts générés par ces avoirs pour financer un prêt à l’Ukraine à hauteur de 50 milliards d’euros au niveau du G7 », a-t-il rappelé. « L’essentiel de ce prêt au niveau des européens va à financer l’effort militaire de l’Ukraine. »

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Thomas DESZPOT

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