Une nouvelle série de vidéos alimente une fausse information sur le genre de Brigitte Macron.
Derrière ces contenus, on trouve Candace Owens, une influenceuse américaine adepte des théories du complot.
On revient sur le profil de cette figure du conservatisme, dont la quête d’audience rime avec intérêt économique.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
« Devenir Brigitte » n’est pas le titre d’un nouveau film biographique sur l’épouse du président français. C’est celui d’une série de vidéos fallacieuses dont la première a été publiée ce vendredi 31 janvier par Candace Owens. Derrière des promesses de « révélations » fracassantes et d’interviews « exclusives », cette figure du conservatisme américain multiplie les insinuations trompeuses et les accusations infondées à l’encontre de Brigitte Macron. Zoom sur cette complotiste pour qui la Première dame de France ne mériterait pas ce titre.
Militante complotiste, adoubée par le camp Trump
Comme Marion Maréchal, elle est née en 1989. Une date qui est loin d’être le seul point commun entre les deux femmes. C’est l’ancienne eurodéputée d’extrême droite qui a, la première, propulsé Candace Owens sur les devants de la scène en France. En septembre 2019, celle qui est en train de devenir une figure montante du trumpisme est en effet l’une des invités stars de la « Convention de la droite » (nouvelle fenêtre), cette grande messe inspirée du raout des conservateurs américains. Selon l’équipe organisatrice, elle est conviée du fait qu’« elle n’est pas dans les éléments de langage, elle est hors cadre et milite sans être dans un parti politique ».
Et de fait, à l’époque, cette Afro-américaine est en pleine ascension. Après avoir échoué à étudier le journalisme, elle fonde la plateforme « Red Pill Black », promouvant le conservatisme auprès du public afro-américain. Refusant la prétendue position victimaire dans laquelle la gauche américaine enfermerait les personnes racisées, Candace Owens va même jusqu’à créer un nouveau concept, le « Blexit ». (nouvelle fenêtre) Derrière ce mot-valise, contraction en anglais des mots « black » et « exit », elle appelle à se défaire du parti démocrate et œuvre pour la campagne de Donald Trump, présenté comme (nouvelle fenêtre)« le sauveur de la civilisation occidentale ». Forcément, Fox News l’adore, tout comme le camp « MAGA » (Make America Great Again), dont l’un des piliers l’embauche rapidement comme « directrice de l’engagement urbain » (nouvelle fenêtre).
DOCUMENT LCI – Le clan Trump de retour à la Maison-BlancheSource : TF1 Info
Mais en France, c’est désormais un second engagement qui met la mère de famille au centre de l’attention. Depuis plusieurs mois, cette influenceuse du conservatisme américain assure auprès des 11 millions d’abonnés qu’elle cumule sur les réseaux sociaux qu’elle compte révéler « le plus grand scandale politique de l’histoire de l’humanité ». Rien que ça. Régulièrement pointée du doigt pour les fausses informations (nouvelle fenêtre) qu’elle diffuse à longueur de publications, elle dit disposer de preuves selon lesquelles Brigitte Macron serait née homme. Une rumeur complotiste qui court (nouvelle fenêtre) depuis le mouvement des Gilets jaunes. Et qui a valu à une « journaliste indépendante autodidacte » et une « medium » d’être condamnées en septembre dernier pour diffamation. Pour rappel, une personne accusée de diffamation peut se défendre en plaidant sa bonne foi ou en démontrant la véracité des faits allégués. Ce que n’ont pas été capables de faire les accusées. À la lecture des documents remis par celles-ci, la 17ᵉ chambre correctionnelle de Paris avait estimé que Natacha Rey, l’une des coupables, « interprète les ressemblances qu’elle observe sur les photos (…) qu’elle a pu récupérer, en tirant des moindres détails des conclusions qui lui sont propres ». « En l’absence de base factuelle et de toute prudence dans l’expression, le bénéfice de la bonne foi ne peut lui être accordé », avait conclu le tribunal dans son jugement (nouvelle fenêtre).
Or, c’est exactement ce que fait Candace Owens. Pendant un peu plus de 40 minutes, cette figure de l’ultra-conservatisme va multiplier ce qu’elle baptise des « oopsies » (erreurs, en anglais), soit des coïncidences qui démontreraient non seulement qu’un mystère entoure l’identité de Brigitte Macron (nouvelle fenêtre), mais également qu’elle serait l’instigatrice d’un complot satanique global. Devant son micro, sans aucun argument factuel, elle voit des preuves partout : dans une scène des Jeux olympiques de Paris 2024, dans un tapis de l’Élysée ou encore dans un livre d’André Gide, cet auteur français enseigné pendant des décennies au programme de littérature, mais dont le passé pédocriminel a refait surface au moment de l’affaire Matzneff. (nouvelle fenêtre) Ce à quoi elle ajoute par ailleurs une flopée de fausses informations maintes fois dénoncées (nouvelle fenêtre), comme celle selon laquelle la femme du chef de l’État souhaitait remplacer la flèche de Notre-Dame par un symbole vulgaire.
Autant d’éléments sans aucun lien, sur lesquels Candace Owens s’appuie pour en faire un sujet « international », voire un dossier « eux contre nous ». Elle estime ainsi que les locataires de l’Élysée sont dans un « cercle de pouvoir, de vieux pouvoir, dirigé par l’argent », dont on peine à identifier les acteurs, face auquel elle place « les éveillés opposés à ces monstres ». Seule face à sa caméra, assise devant un grand crucifix, la New-yorkaise d’origine va même plus loin, transformant cette théorie complotiste en combat divin. Une bataille pour « se battre du côté du Christ ».
Il faut dire que l’influenceuse MAGA n’en est pas à son premier complot. Par le passé, celle qui ne croit ni à la Terre plate, ni à la Terre ronde, a par exemple décrit la science comme une « foi païenne » (nouvelle fenêtre). Sans surprise, elle est contre toute aide américaine à Kiev, assumant sa position « Fuck Ukraine », dès le début du conflit. Elle a d’ailleurs aussi propagé une fausse information sur la vie personnelle du président ukrainien, indiquant (nouvelle fenêtre) que Volodymyr Zelensky serait un « acteur homosexuel qui enferme des églises et des évêques ». Il faut dire qu’elle mène une lutte acharnée contre le mouvement LGBT, reprochant à tort aux personnes transgenres de « droguer massivement les enfants » et regrettant le « fléau sexuel » que représenteraient les personnes homosexuelles.
Une quête d’audience et un système financier
Avec cette nouvelle série diffamatoire sur Brigitte Macron, Candace Owens poursuit donc son combat. Pas pour la vérité, mais pour agrandir sa bulle informationnelle. Il s’agit en effet d’accaparer cette nouvelle audience (nouvelle fenêtre). Et pas des moindres. Ainsi, dès le 11 mars 2024, cette hyperactive des réseaux sociaux partage cette fausse information pour surfer sur un hashtag lancé le jour même sur X par la complosphère française. Elle explose alors son audience, cumulant 7 millions de vues. Rebelote en juillet, avec une publication qui atteint 16 millions de vues en plein Jeux olympiques, soit une audience similaire à celle des publications d’Elon Musk, le patron de la plateforme. Un phénomène qu’on retrouve à chaque fois que cette agitatrice (nouvelle fenêtre)publie du contenu sur Brigitte Macron. Sa dernière vidéo, qui a enregistré 2,5 millions de vues en moins de deux jours, ne déroge pas à la règle.
Une stratégie inscrite dans un réel objectif économique. Sa vidéo au sujet de la Première dame inclut ainsi une « promotion rémunérée », selon les informations communiquées par YouTube. En fin de séquence, elle propose en effet à tous les spectateurs de faire un don, de s’abonner à son site et fait la promotion de « American Financing », une plateforme qui permettrait de « sortir de l’endettement ». En réalité, ce créancier spécialisé dans les prêts hypothécaire est en bien mauvaise posture. Pénalisée par la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis, l’entreprise a licencié près des deux tiers (nouvelle fenêtre)de ses employés en novembre dernier.
Une nouvelle mise en avant pour un projet défaillant. En juillet 2021, Candace Owens avait annoncé le lancement du « Freedom Phone », destiné aux partisans de Trump. Vendu 500 dollars pour ne pas être « contrôlé par Apple ou Google », il s’agissait en réalité (nouvelle fenêtre) d’une version blanche d’un smartphone chinois disponible pour 120 dollars. Un an plus tard, en août 2022, Candace Owens avait fait la publicité pour GloriFi, une nouvelle banque « anti-woke ». La start-up avait mis les clés sous la porte trois mois plus tard, faute de financement (nouvelle fenêtre).
Mais la businesswoman compte bien aller encore plus loin. Elle assure que cette vidéo en accès libre, qui ne révèle rien et dont une partie a donc été financée par la promotion d’une entreprise privée, n’est que « la partie émergée de l’iceberg ». Et elle prévient ses abonnés. La suite de la série sera disponible sur son site et soumise à un « paywall », soit un abonnement payant.
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