• Dans une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux, trois hommes présentés comme des « musulmans pro palestiniens » menacent la France.
  • Il s’agit d’une mise en scène.
  • Tout porte à croire que sa diffusion fait partie d’une opération de déstabilisation pilotée par la Russie.

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L’info passée au crible des Vérificateurs

Un nouveau groupe terroriste menace-t-il la France d’attentats ? C’est ce qu’affirme une publication, datée du 16 septembre et vue plus d’un million de fois sur X (nouvelle fenêtre). Elle affirme que des « musulmans pro palestiniens menacent le peuple français ». Sur les images, trois hommes aux visages masqués par des keffiehs. Ils posent face caméra devant un drapeau palestinien. 

Dans l’extrait vidéo, l’un des hommes, qui s’exprime en arabe, affirme que la France est un pays « corrompu », avec des « dirigeants faibles » et « incapables » de protéger leur peuple. L’individu déclare « bientôt, si dieu le veut, nous transformerons votre pays en État islamique », puis poignarde un drapeau français. Il s’agit en réalité d’une fausse vidéo. Les Vérificateurs ont retracé l’origine de cette mise en scène, sur laquelle plane l’ombre d’un réseau de propagande russe.  

Capture d’écran X / Les Vérificateurs

De nombreuses incohérences

Tous les experts contactés par les Vérificateurs ont mis en doute l’authenticité de cette séquence. Premier élément étrange selon Xavier Guignard, chercheur et enseignant en science politique : la langue utilisée. « Ce n’est pas le dialecte palestinien, ni même l’arabe classique par un locuteur palestinien, ni quelconque locuteur arabe reconnaissable. L’accent que l’on entend est indescriptible », relève le spécialiste, co-auteur de Comprendre la Palestine une enquête graphique.

L’expert souligne également des incohérences visuelles. « La vidéo mime des codes connus. Un drapeau palestinien et des gens masqués ou en keffieh, ça pourrait faire appel à un certain imaginaire. Mais il y a plein de choses qui ne vont pas. La plupart des groupes qui font des vidéos, même masqués, affichent le drapeau de leur groupe et non pas le drapeau palestinien », détaille Xavier Guignard. Erik Skare, historien et chercheur spécialisé dans la violence politique au Moyen-Orient à l’Université d’Oslo, abonde dans ce sens : « s’il s’agissait vraiment d’islamistes, ils ne mettraient pas un drapeau national en fond. L’État islamique reprochait justement à la cause palestinienne d’être une idolâtrie et ne revendiquait que la « nation islamique » ». Selon lui, le style de la vidéo, les références utilisées et les propos tenus n’ont rien à voir avec les vidéos habituelles de groupes comme le Hamas ou le Jihad islamique palestinien. 

« On a des gens qui jouent sur un registre linguistique et culturel de référence à l’islam et à l’État islamique, mais qui n’en ont pas les codes. Normalement tout ça est enrobé de citations du Coran ou de références beaucoup plus religieuses, là ce n’est pas le cas », nous éclaire Xavier Guignard. Laurence Bindner, cofondatrice de JOS Project, structure d’analyse de la propagande extrémiste violente et des discours radicaux, ajoute que « dans la forme, les vidéos pro Hamas ou pro palestiniennes radicales sont beaucoup plus construites, élaborées, travaillées, éditées »

En plus de ces éléments qui rendent déjà la vidéo peu crédible, le fond du propos « est complètement absurde » selon Xavier Guignard. « La critique qu’il peut y avoir aujourd’hui par certains mouvements palestiniens à l’égard de la France, c’est de dire la reconnaissance est symbolique, on attend des sanctions », estime le spécialiste. « Le sort des Palestiniens et des civils à Gaza n’est même pas évoqué alors qu’ils se présentent comme un groupe pro palestinien », souligne Erik Skare. 

Un mode de diffusion suspect

Cette vidéo n’a d’ailleurs été publiée par aucun groupe identifié. Habituellement, les organisations palestiniennes ou pro palestiniennes revendiquent pourtant leurs actions ou menaces sur leurs canaux officiels, selon les experts. 

Alors quelle est l’origine de cette vidéo ? Elle a émergé pour la première fois le 14 septembre 2025, sur un compte X marginal avec peu d’audience (nouvelle fenêtre) (@OmarZul22), créé en 2012, et longtemps resté inactif. La publication n’est plus accessible en France (nouvelle fenêtre) sur X, mais toujours en ligne. Elle est ensuite relayée par des bots, et reprise par deux médias (nouvelle fenêtre) arabophones (nouvelle fenêtre). L’infox circule également en anglais (nouvelle fenêtre), et est diffusée par des comptes identifiés comme pro-russes (nouvelle fenêtre), avant d’être reprise par l’extrême droite francophone (nouvelle fenêtre), notamment par une figure publique comme Jean Messiha (nouvelle fenêtre), qui a donné de la visibilité au contenu.

Qu’il s’agisse de la mise en scène de la vidéo ou de son mode de diffusion, ces deux indices rappellent d’autres séquences devenues virales par le passé. La première était censée montrer des combattants syriens du groupe HTS menaçant de brûler Notre-Dame. La seconde présentait un homme comme un combattant du Hamas menaçant Paris avant l’ouverture des Jeux olympiques en 2024. Ces deux contenus avaient été identifiés comme liés à une campagne de désinformation russe visant la France, comme nous l’expliquions dans cet article.

L’ombre de Moscou

Selon un service de l’État proche du dossier consulté par les Vérificateurs, il s’agit bien, une fois de plus, d’une opération liée au mode opératoire informationnel Storm-1516. Derrière ce nom de code, une campagne d’influence et de désinformation en ligne dont les acteurs sont des individus et des organisations proches du gouvernement russe, comme le note par ailleurs un rapport (nouvelle fenêtre)du service de vigilance contre les ingérences numériques (Viginum) français, publié en mai 2025. 

La France est régulièrement visée par ces campagnes de désinformation orchestrée par Moscou. Les Vérificateurs avaient par exemple déjà enquêté sur des articles prétendant que des déchets nucléaires français étaient secrètement envoyés en Arménie (nouvelle fenêtre) ou encore un faux programme incitant des migrants africains à s’installer en France (nouvelle fenêtre)

Ici, l’idée est de porter ce que la secrétaire générale du quai d’Orsay, Anne-Marie Descôtes, décrivait en début de mois comme un « récit manipulatoire » qui vise à « discréditer la position de la France vis-à-vis de la Palestine ». En effet, cette fausse vidéo a surgi sur les réseaux sociaux peu avant la reconnaissance formelle par la France (nouvelle fenêtre) et plusieurs autres pays de l’État palestinien, prévue le 22 septembre.

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Astrig AGOPIAN

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