La France serait dans une situation de « shutdown » en cas d’absence d’accord sur le budget 2025, selon Elisabeth Borne.
Une disposition prévoit en réalité, en cas de blocage, une procédure d’urgence et le vote d’un budget similaire à celui de 2024.

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L’info passée au crible des Vérificateurs

C’est une période à haut risque pour le gouvernement qui risque la motion de censure avec le vote du prochain budget. Mais pour le camp présidentiel, la censure de l’exécutif induit un risque de blocage total du pays. C’est en tout cas le sens de la déclaration d’Elisabeth Borne, invitée de LCI le 24 novembre. « Tous ceux qui veulent voter une censure sur ces textes, il faut qu’ils aient en tête les conséquences que ça aurait pour les Français. Et il faut que les Français le sachent aussi », a argumenté la députée du Calvados, avant d’en donner des illustrations concrètes : « Si le budget sur la Sécurité sociale était censuré, ça veut dire qu’au 1ᵉʳ janvier, votre carte vitale ne marche plus. Ça veut dire que les retraites ne sont plus versées. Ça veut dire au bout d’un moment que les fonctionnaires ne sont plus payés ». 

Pas de blocage de la Sécurité sociale

Le vote du budget 2025 est un véritable casse-tête cette année, avec une Assemblée nationale divisée en trois blocs et plus de 60 milliards d’économies voulues par le gouvernement. Celui-ci pourrait donc chercher à faire adopter le budget sans vote, en engageant sa responsabilité via l’article 49, alinéa 3 (nouvelle fenêtre) de la Constitution. Cela risque de déclencher une motion de censure qui, si elle est votée (nouvelle fenêtre), renversera l’exécutif et rejettera le budget. Cela donnerait lieu à la formation d’un gouvernement qui expédierait les affaires courantes, comme le souligne le juriste Benjamin Morel au Monde (nouvelle fenêtre). C’est donc dans ce scénario politique que se projette Elisabeth Borne pour décrire un véritable « shutdown «  à la française. 

Il faut néanmoins différencier deux situations dans ce qu’évoque l’ancienne Première ministre. Le fonctionnement de la carte vitale, et le versement des retraites et des salaires des fonctionnaires. Le premier cas de figure n’est pas réaliste, selon Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit constitutionnel à l’université de Poitiers et membre des Surligneurs (nouvelle fenêtre). Le remboursement des soins est intégré au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui doit revenir le 2 décembre devant les députés. Quand bien même le texte « n’est pas adopté à la fin de l’année, les cotisations sociales seront toujours dues », dit-il. « Les médecins pourront continuer à faire fonctionner les cartes vitales et les mutuelles. Il n’y aura pas de blocage. La Sécurité sociale continuera de fonctionner ». 

Un recours impossible aux ordonnances

Ce n’est pas aussi simple à propos du versement des retraites et des salaires des fonctionnaires. En effet, ces questions sont prévues par le projet de loi de finances (PLF), soit le budget général qui cristallise les tensions et qui doit être réexaminé par l’Assemblée d’ici au 18 décembre. En théorie, le gouvernement peut faire voter le budget par ordonnances si jamais « le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours » : c’est ce que prévoit l’article 47 de la Constitution . 

Mais « il y a un angle mort dans la procédure d’élaboration de la loi de finances », comme le pointe Bertrand-Léo Combrade. Que se passe-t-il lorsque justement, le Parlement s’est prononcé en votant contre le budget avec une motion de censure ? « Si le Parlement dit non, et que le gouvernement agit par ordonnance, les ordonnances seront contraires à la Constitution. Elles seront annulées par le juge administratif », poursuit le juriste. La situation n’est pas prévue par la Constitution et ne s’est d’ailleurs jamais produite sous la Vᵉ République. 

Un budget équivalent à 2024

Une disposition peut toutefois être utilisée dans la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui pose le cadre des différentes lois de finances. Dans le cas où le budget ne peut pas être appliqué, l’exécutif peut tout de même déposer « un projet de loi spéciale l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année », selon l’article 45 (nouvelle fenêtre) du texte. Ce nouveau vote, discuté en urgence, permet donc d’élaborer un budget similaire à celui de l’année dernière… et d’éviter toute situation de shutdown.

En l’état, ce budget a de bonnes chances d’être adopté par l’Assemblée nationale. À l’issue de son entretien (nouvelle fenêtre) avec le Premier ministre, Marine Le Pen a considéré que « si ce budget ne passe pas, c’est le budget de l’année dernière qui s’appliquera et il est plutôt moins mauvais que celui-là puisqu’il y a moins d’impôts qui pèseront sur les classes populaires et les classes moyennes ». 

Une loi de finances semblable à 2024 serait alors en vigueur… pour un temps. « Il est certain que si cette loi spéciale est adoptée pour percevoir les impôts existants, ce sera très provisoire », ajoute Bertrand-Léo Combrade. En effet, il est possible de revenir dessus en votant des projets de loi de finances rectificatifs (PLFR), plus conformes à la situation économique. Le nombre de PLFR est illimité. 

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Caroline QUEVRAIN

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