La perspective d’un accord de libre échange entre l’UE et les pays du Mercosur inquiète le secteur agricole.
Les professionnels alertent par exemple sur l’arrivée d’une concurrence déloyale et de produits nocifs.
Nous avons démêlé le vrai du faux.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
C’est un nom qui inquiète les campagnes françaises depuis plus de 25 ans : Mercosur. Soit, le surnom donné au marché commun du sud, composé de cinq pays et dominé par le Brésil et l’Argentine. Une zone de libre-échange avec laquelle l’Union européenne tente de négocier depuis plus de deux décennies. Mais parmi les dossiers qui continuent de bloquer, la perspective de subir l’importation massive de produits agricoles latino-américains alarme le monde agricole (nouvelle fenêtre). Nous avons vérifié quelques-uns des arguments qui alimentent les craintes.
De la viande aux antibiotiques et aux hormones ? C’est un risque
« Si le Mercosur est signé, on s’expose à l’importation de 180.000 tonnes de bœufs en partie élevés aux hormones », s’est par exemple indignée Marion Maréchal dans une vidéo diffusée sur ses réseaux sociaux. « Le Mercosur, c’est de la viande aux antibiotiques et hormones de croissance », ajoute un militant du parti d’extrême droite lancé par Eric Zemmour.
Pourtant, l’utilisation de ces produits pour la production de viande bovine est strictement interdite dans l’Union européenne depuis plusieurs années. Dès 1989, la Communauté économique européenne a banni l’utilisation de six hormones de croissance et les antibiotiques utilisés comme facteurs de croissance sont proscrits depuis 2006 (nouvelle fenêtre). Des règles qui « s’appliquent à tous les produits vendus dans l’Union européenne, qu’ils soient fabriqués dans le pays ou importés », rappelle la Commission européenne (nouvelle fenêtre). Idem en droit français, où la loi Egalim (nouvelle fenêtre)dispose qu’« il est interdit de proposer à la vente en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ».
DÉCRYPTAGE – Mange-t-on de la viande aux hormones dans le savoir ?Source : JT 20h Semaine
L’article de loi précise par ailleurs que « l’autorité administrative prend toutes mesures de nature à faire respecter » cette interdiction. Et c’est là que les choses se compliquent. Si, en théorie, ces produits ne peuvent entrer sur le continent, en pratique, la traçabilité est imparfaite. « Les systèmes d’identification animale et de traçabilité brésiliens et européens sont différents », pointait ainsi la commission Ambec, chargée de l’évaluation de ce projet d’accord, dans un rapport rendu le 18 septembre 2020 (nouvelle fenêtre)au gouvernement. Pour preuve, un audit de l’Union européenne (nouvelle fenêtre)révélait, le 16 octobre, que les contrôles de la viande bovine au Brésil ne « permettent pas de garantir » l’absence de l’hormone œstradiol. Cette hormone de croissance, interdite en Europe depuis 2003, est considérée comme cancérigène au sein du continent.
4000 fermes en danger ? Difficile à dire
Au-delà d’être un danger pour nos assiettes, cet accord menacerait tout le secteur agricole. Si bien que, selon Nicolas Dupont-Aignan, il entrainerait « la fermeture de 4000 fermes ». D’après nos recherches, l’ancien député tire son chiffre de différentes prises de parole de figures de la Coordination rurale. Le 17 novembre, sa présidente, Véronique le Floc’h, partageait par exemple cette inquiétude, qu’on retrouve depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux (nouvelle fenêtre)du deuxième syndicat représentatif de la profession. Interrogée sur l’origine de son chiffre, la Coordination rurale n’est pas revenue vers nous dans l’immédiat.
Pour rappel, à l’heure actuelle, l’accord prévoit de supprimer plus de 90% des droits de douane entre le Mercosur et l’Union européenne afin de faire rentrer sur le continent de nombreux produits sud-américains sur la base de quotas spécifiques. Concernant la viande bovine, cela représente 99.000 tonnes (nouvelle fenêtre)de bœuf par an importé en Europe à un taux préférentiel de 7,5%. À noter qu’on est très loin des « 180.000 tonnes » dénoncées par Marion Maréchal.
Pour quel impact sur la filière ? Le rapport de la commission d’experts indépendants présidée par l’économiste Stefan Ambec n’est pas aussi conclusif que le syndicat agricole. Au contraire, cette commission regrette dans ces pages l’absence de modélisation claire à ce sujet. Si un milliard d’euros sont bien prévus par la Commission européenne en cas de « perturbations graves des marchés européens » une fois l’accord signé, les experts appelaient la France à « demander à ce que la Commission européenne précise ce qu’elle entend » par là et « les procédures concrètes de déclenchement et de mise en œuvre du mécanisme bilatéral de sauvegarde et de l’aide budgétaire ».
La France n’a plus le droit de veto ? C’est plus compliqué que ça
Autant d’éléments qui poussent le Gouvernement, et la quasi-totalité de la sphère politique (nouvelle fenêtre), à s’opposer au projet d’accord « en l’état ». Sauf que selon les défenseurs d’un Brexit à la française, la France aurait « perdu son droit de veto » dans ce dossier, comme l’écrit par exemple le souverainiste Florian Philippot.
Pourtant, comme l’a confirmé le Conseil de l’Union européenne dès 2018, l’accord négocié entre les 27 et les pays du Mercosur est un « accord d’association économique et politique ». Ce qui signifie que l’unanimité est requise, conformément au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Alors où est le problème ? Comme nous vous l’expliquions ici (nouvelle fenêtre), pour contourner cette règle, la Commission européenne envisage de scinder l’accord. D’un côté, le volet commercial, et de l’autre, le volet politique. Ainsi, pour la partie commerciale, cet accord « intérimaire » échapperait à la règle de l’unanimité. Un vote à la majorité qualifiée, soit au moins 15 États sur 27, suffirait.
Une stratégie venue de Bruxelles qui fait grincer des dents à Paris. Il y a quelques jours, la ministre déléguée au Commerce Extérieur, Sophie Primas, alertait sur son refus de tout « contournement » de la procédure consistant à obtenir une unanimité des Européens. Si l’accord est voté de cette manière, la France pourra toutefois « difficilement » s’y opposer sur le plan juridique, comme elle l’a reconnu lors de son audition jeudi dernier au Sénat. Une pratique qui « fragiliserait l’assise démocratique de la politique commerciale commune », résumaient quant à eux plusieurs sénateurs dans une résolution adoptée le 16 janvier dernier (nouvelle fenêtre).
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