Si la mort du pape François a suscité l’émoi des catholiques, elle s’est accompagnée d’une vague de fausses informations.
Plusieurs vidéos accusent le souverain pontife d’avoir notamment humilié des fidèles.
Des séquences trompeuses qui alimentent les critiques des figures conservatrices.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
Il se souciait aussi bien du sort des migrants que de celui des Palestiniens de la bande de Gaza. Alors autant dire que le pape François ne faisait pas l’unanimité dans les cercles les plus conservateurs. Résultat, depuis son décès ce lundi 21 avril au Vatican, le souverain pontife est la cible de fausses informations. Une campagne de dénigrement en ligne qui recycle les vidéos trompeuses et multiplie les commentaires acerbes.
Des vieilles vidéos recyclées
À commencer par ces séquences ultra-virales dans lesquelles le souverain pontife refuse qu’on lui embrasse la main. « Le pape François avait publiquement humilié les fidèles en refusant qu’ils embrassent l’anneau du pêcheur », s’insurge (nouvelle fenêtre) par exemple un militant du parti Les Patriotes de la Seine-Maritime. « Une insulte à la tradition catholique. »
Une séquence vue plus de 1,3 million de fois et qui remonte au 25 mars 2019. Alors en déplacement dans le sanctuaire marial de Lorette en Italie, le pape ne s’est absolument pas opposé à l’idée que les fidèles puissent découvrir cet insigne, réservé au pape et qu’il reçoit lors de l’inauguration solennelle du pontificat. Tout d’abord parce que, comme l’expliquait La Croix (nouvelle fenêtre)à l’époque, le pape élu en 2013 ne porte pas l’anneau du pêcheur, mais celui qu’il a reçu au moment de son ordination épiscopale, en 1992 à Buenos Aires.
Par ailleurs, le refus d’embrasser sa main relève d’une décision pratique et d’hygiène. D’abord, parce que le baiser à l’anneau pontifical n’est plus prescrit par le protocole depuis plusieurs années. Cette pratique avait déjà disparu sous Jean-Paul II, qui préférait l’éviter. Ensuite, parce qu’une telle habitude participe sans nul doute à propager des maladies. « Le motif pour lequel le pape n’avait pas permis d’embrasser son anneau à Lorette est l’hygiène », avait plaidé le porte-parole du Vatican, Alessandro Gisotti, lors d’une conférence de presse (nouvelle fenêtre), arguant qu’il s’agissait d’éviter « que les fidèles ne se contaminent, surtout quand il y a de longues files de personnes ». « Personnellement, lui préfère étreindre les gens. »
C’est d’ailleurs le même motif qui justifie un autre geste épinglé par les internautes ce 23 avril. Sur une séquence partagée (nouvelle fenêtre)par plusieurs comptes de la droite conservatrice, le Pape sert chaleureusement la main de plusieurs cardinaux et accepte de franches embrassades. Toutefois, il devient fébrile et retire son bras lorsqu’un homme noir se penche pour lui baiser la main. À nouveau, dans cette scène filmée en avril 2023, il s’agit d’abord d’éviter « les germes et leur propagation » et refuser le baisemain, symbole d’un « geste de soumission » (nouvelle fenêtre) que le pontife n’appréciait pas. Au cours de son règne, l’Argentin a en effet multiplié des contacts simples et francs avec les fidèles, serrant toutes les semaines et ne fuyant jamais les longues embrassades. Néanmoins, lors des audiences papales au Vatican, il était régulièrement rappelé aux fidèles d’éviter la génuflexion et le baisemain.
Non contents d’accuser le chef de l’Église catholique (nouvelle fenêtre)de dédaigner les croyants, certains vont même jusqu’à voir dans son comportement le signe d’une alliance… avec le diable. « Le pape a littéralement un rituel satanique en guise d’enterrement », alerte notamment plusieurs internautes dans une vidéo qui cumule des millions de vues. En guise d’illustration, une séquence sur laquelle des hommes coiffés d’une cagoule noire avancent en procession, torche à la main. Sur leur cape, une croix apparaît, à l’envers.

Une cérémonie certes tout à fait curieuse, mais qui n’a absolument aucun lien avec le Vatican. Pas plus qu’avec un rituel satanique. Il s’agit en réalité d’une procession traditionnelle organisée depuis plus d’un siècle (nouvelle fenêtre)au cours de la Semaine Sainte catholique en Espagne. Les vêtements sombres symbolisent l’humilité et la pénitence (nouvelle fenêtre), la forme de la cagoule représente la tentative de se rapprocher de Dieu et la croix inversée n’est autre que la croix de Saint-Pierre, apôtre crucifié la tête vers le bas.
Un pape qui ne fait pas l’unanimité
Si ces vidéos tentent de décrédibiliser les pratiques du pape François (nouvelle fenêtre), elles s’inscrivent en réalité dans une vaste campagne de dénigrement venue de l’extrême droite. Depuis son décès, certaines figures les plus à droite de l’échiquier politique n’ont pas hésité à remettre en question ses prises de position durant son règne. À commencer par Eric Zemmour. À l’annonce de la mort du pape, le patron de Reconquête a jugé que le pontificat de François « a été une épreuve pour certains catholiques ». Son allié, Philippe de Villiers, est allé plus loin encore en fustigeant un « pape woke ». Tout en faisant part de sa « tristesse », il a dépeint un pape qui « a persécuté les chrétiens de la tradition de l’Église de notre enfance ».
Une rhétorique identique à celle qu’on trouve dans les sphères les plus conservatrices. Dans une vidéo vue plus de 150.000 fois, une militante du mouvement de jeunesse du Rassemblement national a décrit un « pape progressiste, qui passait toute sa vie à papoter et à faire de la politique plutôt que de s’occuper des catholiques ». Dans des centaines de commentaires, des internautes qui se disent « patriotes » ou affichent la croix latine dans leur pseudo brossent le profil d’un pape qui n’avait pas que des admirateurs. « Un pape pro-migrants, qui œuvrait pour la destruction de l’Europe avec ses complices », écrit l’un d’eux quant un autre évoque un « imposteur qui n’avait du pape que le nom ». Jean Messiha, politiste d’extrême droite, s’est quant à lui fendu d’une publication en hommage à Jean-Paul II. Une publication dans laquelle il insinue qu’aucun « vrai pape » n’a régné sur le Vatican depuis Benoit XVI, écrasant les treize années de pontificat de son successeur.
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