Depuis que Kamala Harris a pris les rênes de la campagne démocrate pour l’élection présidentielle de novembre aux Etats-Unis, les républicains se font un plaisir de ramener Willie Brown sur le devant de la scène. L’ancien maire de San Francisco a été le mentor – et brièvement le compagnon – de la candidate au milieu des années 1990. Elle avait 29 ans, il en avait 60. Une différence d’âge qui, selon les partisans de Donald Trump, illustre l’ambition qui consume celle qui pourrait devenir la première femme présidente des Etats-Unis.

Le 8 août, dans sa conférence de presse à Mar-a-Lago, en Floride, Donald Trump n’a pas manqué d’exploiter cet épisode vieux de près de trente ans. Il a affirmé avoir bien connu Willie Brown et s’être trouvé un jour avec lui dans un hélicoptère contraint à un atterrissage d’urgence. « Il n’était pas un fan de Kamala à cette époque-là, a raconté l’ancien président. Il m’a dit des choses terribles sur elle. »

Willie Brown a immédiatement démenti s’être jamais trouvé dans un appareil en péril avec Donald Trump et avoir dit quoi que ce soit de négatif sur Kamala Harris. Et il a menacé de poursuivre le milliardaire s’il continuait à utiliser son nom pour tenter de discréditer la candidate démocrate. « Je ne veux pas qu’une quelconque relation avec Willie Brown devienne préjudiciable à qui que ce soit, en particulier une amie aussi chère que la vice-présidente », a-t-il déclaré le 18 août à la chaîne CBS.

Maître négociateur

A 90 ans, Willie Brown reste un monstre sacré de la vie publique en Californie. Un Etat dominé par les démocrates, où la compétition est rude : pour 39 millions d’habitants, le Golden State ne compte que deux sénateurs – pour comparaison, c’est aussi le cas du Dakota du Nord, qui compte, lui, 770 000 citoyens. Contrepartie : ses élus ont le cuir épais. « Ceux qui réussissent ici excellent ailleurs », décrit Dan Morain, ancien journaliste au Los Angeles Times. Dans les années 1980-1990, Willie Brown passait pour être l’homme politique afro-­américain le plus puissant du pays. Récemment, il tenait encore salon à la brasserie Le Central, jusqu’à ce que la nomination de Kamala Harris ne le pousse à une plus grande discrétion.

Elu pendant trois décennies à l’assemblée de Californie, Willie Brown en a été le président de 1980 à 1995, puis il a été maire de San Francisco de 1996 à 2004. En un demi-siècle, il s’est forgé une réputation de maître négociateur, de ­virtuose du compromis et des renvois d’ascenseur – ce qui lui a valu l’intérêt du FBI –, mais aussi d’icône de mode : sa collection de costumes (souvent italiens) a compté jusqu’à cinq cents pièces. Flamboyant, amateur de pirouettes, Willie Brown a été « le dernier show man de la politique américaine du XXe siècle », note le journaliste James Richardson (Willie Brown : A Biography, University of California Press, 2023, non ­traduit). « Je ne suis pas né fade », clame l’élu.

Il vous reste 61.47% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version