Plusieurs grands cerfs, âgés de plus de dix ans, ont récemment été abattus par des chasseurs, notamment dans l’Oise.
Des associations de protection des animaux estiment que le nombre de ces animaux est en baisse en France.
Les disparités locales sont importantes en matière du nombre de bêtes prélevées.

« L’Indien », « Fantômas », « Passe-Partout », « le Rouquin »… Quatre grands cerfs, surnommés ainsi par des photographes animaliers afin de pouvoir les identifier plus facilement, et un même point commun : ils ont tous été abattus dans l’Oise, dans les forêts de Compiègne et la forêt de Laigue, en l’espace d’un mois et demi, en octobre et novembre 2024. À l’automne 2021, déjà, la mort de deux cerfs d’exception lors de chasses dans cette forêt avait indigné opposants et partisans de la chasse. En forêt domaniale de Fontainebleau (Seine-et-Marne), quatre grands cerfs élaphes – des cervidés âgés d’au moins dix ans – ont également été abattus le 15 janvier 2024. 

La liste de ces animaux majestueux tués par des chasseurs n’est pas exhaustive. Ces actes révulsent des associations de défense des animaux… et inquiètent même des chasseurs (nouvelle fenêtre). Pour Michaël Noirot, photographe animalier dans l’Oise, la mort des cerfs en forêt de Compiègne et de Laigue est une véritable tragédie : « ll reste à peine une quinzaine de grands cerfs sur le massif et alors que la saison débute à peine, trois ont été abattus », se désolait-t-il auprès du Parisien (nouvelle fenêtre) le 29 octobre. Or, comme il le rappelle, les grands cerfs « sont essentiels pour la reproduction de l’espèce ».

Une hausse des prélèvements au niveau national…

Les chasseurs de l’Oise ont éliminé 11.068 sangliers (nouvelle fenêtre), mais aussi 1028 cerfs élaphes au cours de la saison 2023-2024. Le nombre de cerfs, des animaux soumis au plan de chasse accusés d’être responsables de dégâts sur les cultures, est en baisse dans ce département, reconnaissait Marc Morgand en avril dernier au Parisien (nouvelle fenêtre). « Nous sommes perplexes à propos des grands cervidés pour la prochaine saison. Il y a une baisse très marquée en forêt d’Halatte et aussi en forêt de Chantilly », précisait le directeur de la Fédération des chasseurs de l’Oise. « Les effectifs des grands animaux sont en chute libre », déplore également sur Facebook « Pour une forêt vivante », une association de préservation de la faune sauvage fondée cette année par le photographe animalier Yannick Dagneau et active en forêt de Fontainebleau.

Si la population de cerfs diminue dans certains territoires, les chiffres rendus publics par l’Office français de la biodiversité (OFB) ne montrent pas de baisse à l’échelle nationale : le nombre de cerfs augmenterait régulièrement depuis 1977, particulièrement depuis le début des années 2000 et leur présence en France a fortement changé. Le cerf occupait plus de 49% des surfaces boisées en 2019 contre 25% en 1985, d’après l’OFB (nouvelle fenêtre). Lors de la saison 2022-2023, 81.758 cerfs ont été prélevés, tandis que 116.750 attributions ont été données, selon l’OFB (nouvelle fenêtre). « Avec une forte augmentation des réalisations (+8,4 %) par rapport à la saison précédente, les prélèvements de cerfs dépassent pour la première fois les 80.000 animaux », indique l’OFB. 

La saison de chasse 2023-2024 a suivi cette tendance (nouvelle fenêtre): 121.733 attributions de cerfs pour 87.802 prélèvements. « Avec une augmentation de 7,4% des réalisations par rapport à la saison précédente, les prélèvements dépassent pour la deuxième fois consécutive les 80.000 animaux et atteignent un nouveau record », constate l’OFB. La police de l’environnement, dans le viseur de syndicats agricoles , prévient toutefois que « ces chiffres sont issus des données transmises par les interlocuteurs techniques des fédérations départementales des chasseurs ». « Dans certains départements, ils doivent parfois réaliser des extrapolations à partir de leur connaissance du terrain et des différents éléments administratifs et techniques de leur territoire », précise l’OFB.

…mais des disparités locales

La saison dernière, les prélèvements étaient supérieurs à 2500 cerfs dans neuf départements, notamment l’Indre-et-Loire (4007) et l’Indre (2772). « Les attributions et réalisations sont révélatrices d’une augmentation numérique couplée à une extension spatiale des effectifs », assure la Fédération départementale des chasseurs de l’Indre (nouvelle fenêtre) dans son schéma départemental de gestion cynégétique 2024-2030. Si le nombre de prélèvements a nettement augmenté dans les Deux-Sèvres (+44%) et le Var (+38%), en revanche, selon les chiffres communiqués par l’OFB, il a baissé dans d’autres départements, comme en lle-et-Vilaine (-29%) et dans le Loiret (-25%).

Interrogé par la République de Seine-et-Marne (nouvelle fenêtre) sur une raréfaction potentielle du nombre de cerfs et de la biodiversité en général dans le massif de Fontainebleau, l’Office national des forêts (ONF) (nouvelle fenêtre) s’inscrit en faux contre cette assertion. « Selon nos chiffres, la population est plutôt stable et aucun indice ne laisse à penser à une baisse de la population des cerfs », indiquait fin janvier 2024 Matthieu Augéry, chef du service forêt de l’agence Ile-de-France Est à l’ONF. 

« Engagement moral »

L’établissement public industriel et commercial (EPIC) rappelle que, légalement, rien n’empêche les prélèvements du cerf élaphe, dont les quotas sont fixés par les préfets dans chaque département. Les chasseurs peuvent donc abattre ces espèces, dès lors qu’ils se sont acquittés des bracelets leur permettant de prélever un nombre précis d’animaux auprès de leur fédération départementale. « Règlementairement, il n’y a pas de cerfs protégés. Toutefois, dans le milieu de la chasse, une forme de tolérance vis-à-vis de certains individus remarquables est assurée », précise cependant l’ONF. Dans l’Oise, depuis plusieurs années, un « engagement moral » qui lie les chasseurs à la fédération, préconise de ne pas prélever plus de 20% de ces grands cerfs, indique Le Parisien.

« Le gestionnaire met en avant la stabilité des effectifs de la population cerf. Une assertion qui vient en totale contradiction avec les observations, entre autres, des photographes animaliers qui passent de très nombreuses heures en forêt », estime de son côté « Pour une forêt vivante », dénonçant par ailleurs « le manque de transparence dans les comptages » de la population d’animaux dans les forêts domaniales, dont les relevés sont du ressort de l’ONF. « Le cerf est devenu le bouc émissaire d’une gestion qui manque de moyens », affirme lui aussi Michaël Noirot, avec l’ONF dans le viseur. « Nous ne sommes plus dans la gestion, mais dans la destruction d’une espèce. On a fait tuer des cerfs pour préserver des plantations qui ne poussent pas, même entourées de grillages et sans cerfs », regrette-t-il. 


Julien CHABROUT

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