En quelques minutes, les actionnaires d’OCI, réunis jeudi 25 avril à Amsterdam, se sont enrichis de 2,7 milliards d’euros sans payer un cent d’impôt. Comment ? Grâce à une simple astuce, permise par la législation du royaume qui, officiellement, taxe pourtant à hauteur de 15 % les dividendes. Le stratagème, déjà utilisé par d’autres compagnies basées aux Pays-Bas, a été proposé par un cabinet d’avocats spécialisés à ce géant coté en Bourse, leader mondial de la production d’engrais et de mélamine – une résine incassable.

Le principe est « simple » : les actionnaires votent une première modification des statuts, prévoyant une augmentation du capital autorisé (le montant des actions émises par l’entreprise) d’un montant de 2,7 milliards d’euros. La valeur de l’action grimpe, le dividende est distribué. Dans la foulée, l’assemblée vote une deuxième modification, avec la diminution du capital du même montant de 2,7 milliards d’euros. Le tour est joué, avec zéro cent d’impôt à la clé.

Pour quelle raison ? Parce que la somme brièvement injectée a été prélevée sur les réserves de l’entreprise et échappe à l’impôt, en vertu du principe qui veut que l’argent que l’on possède déjà ne peut plus être taxé : les 2,7 milliards d’euros en question ont été considérés comme du capital, et non du bénéfice. La seule contrainte imposée par la législation néerlandaise étant que les statuts de l’entreprise doivent être modifiés, avec l’aval des actionnaires.

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Nul doute, évidemment que, dans un tel cas, ceux-ci ne se font pas prier. D’ailleurs, la société OCI a déjà eu recours à cette pratique au cours des trois dernières années, relevait mardi 23 avril le quotidien néerlandais NRC. L’Etat a, de ce fait, perdu 750 millions d’euros. Et sans changement de la loi, impossible pour les services fiscaux d’empêcher cette situation, explique Jan van de Streek, professeur de droit fiscal à l’Université de Leyde. La gauche écologiste et socialiste réclame des mesures, un plan gouvernemental promis en 2018 n’a jamais vu le jour et les services fiscaux mènent, paraît-il, une enquête approfondie dont les résultats seront communiqués « en priorité » au Parlement.

Riches familles néerlandaises

OCI est détenue majoritairement par la famille égyptienne Sawiris et dirigée par Nassef Sawiris, 63 ans, l’un des trois fils du fondateur de l’empire. Il est doté d’une fortune estimée à 8 milliards d’euros en 2021, selon le magazine Forbes, qu’il a investie en partie dans Adidas et le club de football anglais d’Aston Villa. L’opération du jeudi 25 avril a été rendue possible grâce, notamment, à la vente d’une filiale du groupe, Iowa Fertilizer Company, pour 3,6 milliards de dollars (3,4 milliards d’euros), en décembre 2023. Le « cadeau » fait aux actionnaires rapportera, en tout cas, 1,4 milliard d’euros à la seule famille Sawiris qui, selon NRC, le fera transiter vers l’une de ses sociétés aux îles Caïmans, via Chypre.

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