Art (Mike Faist), Tashi (Zendaya) et Patrick (Josh O’Connor), dans « Challengers », de Luca Guadagnino.

L’AVIS DU « MONDE » – A NE PAS MANQUER

Chez Guadagnino, le désir manque de faire imploser les univers les plus policés. Citons la débauche sensuelle d’Amore (2010), le cannibalisme comme métaphore de la dévoration amoureuse dans le plutôt raté Bones and All (2022) et sa plus belle réussite, Call Me by Your Name (2017), qui orchestrait, sous le cagnard, une passion homosexuelle entre un éphèbe viscontien et un ami de la famille. Chez le cinéaste, il y a sans cesse une rivalité entre la déflagration des sens et la surface glacée des milieux les plus aristos – chez lui, on frôle parfois l’esthétique WASP d’une pub Ralph Lauren.

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Que le scénario de Challengers, du jeune dramaturge Justin Kuritzkes, lui arrive entre les mains a ainsi tout de l’évidence : l’intrigue prend place dans le milieu très compétitif du tennis, où s’orchestre un triangle amoureux très lubitschien. Tashi (Zendaya, qui produit aussi le film) est une ancienne joueuse de tennis qui a dû très tôt renoncer à sa carrière après une grave blessure. Elle s’occupe désormais de celle de son mari, Art (Mike Faist), qui, en perte de vitesse, décide de s’inscrire au tournoi de seconde division Challenger.

Il s’apprête à affronter Patrick (Josh O’Connor), son ancien meilleur ami et ex-petit copain de Tashi. C’est là que le passé refait surface, plongeant dans l’époque bénie de la vingtaine, où Patrick et Art ne se quittaient pas d’une semelle : ils jouent ensemble, gravissent un à un les échelons du classement amateur. L’avenir leur appartient. Lors d’un tournoi amateur, il rencontre la splendide Tashi, coqueluche du milieu : sur le court, ils sont éblouis par son jeu, tout autant que par sa beauté, et décident de l’entreprendre.

Rivalité et sueur

Avec beaucoup de virtuosité et sans jamais trop nous perdre, le film entrechoque ces deux époques, un âge d’or et un présent morne, faisant le compte des illusions perdues, tout en observant la manière dont le désir, lui, est la seule chose qui ne se soit pas usée avec le temps. On doit à Justin Kuritzkes l’élégance d’un scénario où la compétition sportive et les matchs sont des éléments dramaturgiques à part entière. Le court de tennis s’apparente à une scène de théâtre envahie par la libido, elle-même s’intensifiant au contact de la rivalité et de la sueur. Ressurgissent alors quelques grands longs-métrages qui ont filmé ce sport : L’Inconnu du Nord-Express, de Hitchcock (1951), auquel le film reprend sa somptueuse tension homoérotique, ou encore le méconnu Jeu, set et match, d’Ida Lupino (1951).

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