Antoine Bozio est économiste, maître de conférences à l’EHESS et directeur de l’Institut des politiques publiques. Il a reçu le prix du meilleur jeune économiste en 2017.

La France peut-elle réduire le déficit de ses finances publiques ?

Nous devons sortir du débat stérile entre les partisans de la baisse des dépenses et les partisans de la hausse des recettes. Il y a des marges de manœuvre des deux côtés, et le vrai débat est de savoir quelles sont les dépenses qu’il est possible de réduire, et quels sont les impôts qu’il est possible d’augmenter. Il ne faut ni coup de rabot général ni augmentation générale des prélèvements, qui ne permettraient pas de discriminer entre les dépenses ou les prélèvements plus ou moins efficaces.

Sur quels critères effectuer de tels choix ?

De manière générale, il vaut mieux prélever en aval de la production qu’en amont : il est plus efficace et juste de redistribuer ce qui est gagné que de taxer les facteurs de production. Nous avons déjà des niveaux d’impôts de production et de cotisations sociales plus élevés que nos voisins, il ne serait pas judicieux de les augmenter. En revanche, nous avons des niveaux de TVA, d’impôt sur le revenu et d’impôt foncier relativement plus faibles – impôts qui ont moins d’effets négatifs sur la production, et permettent de mieux cibler le niveau de revenu des ménages. Mais si taxer l’amont a des effets négatifs sur l’activité économique, taxer l’aval diminue le revenu net des ménages de façon très visible.

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La tendance naturelle d’un gouvernement, quel qu’il soit, est d’augmenter ce qui rapporte le plus, à savoir les impôts à large assiette comme la TVA ou la CSG, ou des prélèvements peu visibles, en amont de la production. Par exemple, augmenter la TVA de 1 point rapporte 12 milliards ! Mais c’est un impôt peu redistributif, car la consommation représente une part plus forte du revenu des ménages pauvres. Augmenter le taux intermédiaire de TVA peut en revanche être envisagé, car il est légèrement progressif, et touche davantage la consommation des revenus plus élevés. Mais augmenter la TVA actuellement n’est pas sans risque pour l’inflation, car on sort à peine d’une phase de forte hausse des prix.

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Augmenter la CSG rapporterait aussi beaucoup, mais cela amputerait le revenu des ménages, déjà atteint par l’inflation, au moment où le gouvernement comme les organisations syndicales s’inquiètent de la faible dynamique des salaires.

Faut-il alors taxer les plus riches ?

Si l’on veut faire jouer la progressivité, l’impôt sur le revenu est l’instrument naturel à mobiliser. Mais il faut bien se rendre compte que l’impôt sur le revenu a lui-même des limites, dans la mesure où les plus hauts revenus apparaissent en partie sous la forme de bénéfices de société, et pas comme des revenus imposables. On pourrait ainsi conclure que c’est plutôt du côté de l’impôt sur les sociétés [IS] qu’il conviendrait d’agir. Mais attention, là encore, aux effets de substitution dans un contexte de forte concurrence fiscale internationale. Par exemple, on a vu que la récente baisse de l’IS s’est traduite par des recettes plus élevées pour l’Etat, certains profits étant rapatriés et taxés en France. A l’inverse, la suppression du prélèvement forfaitaire unique [PFU] en 2013 a fait chuter les recettes, les entreprises ayant réagi en réduisant les dividendes et en accumulant de la trésorerie. On peut cependant penser qu’une légère hausse du PFU, aujourd’hui de 30 %, pourrait être efficace.

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