Maria (Janet Novas, au premier plan), dans « O corno. Une histoire de femmes », de Jaione Camborda.

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

Le cinéma n’oublie pas que le droit à l’avortement fut durement acquis, et qu’il reste des plus fragiles, comme on l’a vu aux Etats-Unis, en 2022, lorsque la Cour suprême décida d’annuler l’arrêt fédéral Roe vs Wade, qui garantissait depuis 1973 le droit d’avorter sur tout le territoire. Aussitôt après, un certain nombre d’Etats s’engouffraient dans la brèche pour interdire l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

C’est d’ailleurs pour consolider ce droit, légalisé en France en 1975, que le Parlement français a inscrit tout récemment, début mars, dans la Constitution la « liberté garantie » pour chaque femme d’avoir recours à l’IVG. Quoi qu’il en soit, le combat pour l’IVG nourrit de plus en plus de scénarios ; pour n’en citer que quelques-uns : L’Evénement (2021), d’Audrey Diwan, Lion d’or à Venise ; Annie Colère (2022), de Blandine Lenoir ; ou encore le film « indé » américain Never Rarely Sometimes Always (2020), d’Eliza Hittman.

Plongée dans l’Espagne franquiste et rurale des années 1970, O corno. Une histoire de femmes, deuxième long-métrage de la réalisatrice basque espagnole Jaione Camborda, vient de recevoir la Coquille d’or au Festival du film de Saint-Sébastien (Espagne), soit la plus haute récompense. Cette fiction documentée brosse le portrait épuré de Maria – interprétée par Janet Novas, dont on peut regretter le jeu un peu figé –, qui pratique des accouchements tout en aidant ponctuellement des femmes à avorter.

Un jour, cette quadragénaire doit tout quitter et s’enfuir alors qu’une jeune fille vient de mourir dans le voisinage. Maria avait accepté de l’aider à avorter. Les parents la suspectent, la police est en route. Suit un voyage clandestin au Portugal, qui s’accomplit dans le silence de la nuit, grâce à la solidarité qu’entretiennent entre eux les résistants à la dictature de Franco.

Choix de devenir mère, ou pas

Le mot corno désigne l’ergot du seigle, un champignon vénéneux et parasite qui pousse sur le blé : il a pu être utilisé dans le passé pour accélérer les contractions au moment de la naissance, mais aussi pour pratiquer des avortements clandestins. Dans la solitude des champs de seigle, Maria fait sa cueillette…

Que ce même champignon soit utilisé dans les deux cas de figure a quelque chose de troublant, et c’est aussi la matrice du film : O corno… travaille l’idée qu’il n’y a pas lieu d’opposer le fait de donner la vie et celui de mettre un terme à une grossesse. Maria accompagne simplement les femmes dans leur choix de devenir mère, ou pas.

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