Alors que le chômage poursuit sa hausse, les menaces pesant sur l’emploi ont alimenté, jeudi 1er mai, la mobilisation des traditionnels cortèges syndicaux où résonnent également les craintes pour la paix et la stabilité dans le monde. Alors que quelque 269 défilés étaient prévus dans toute la France, plus de 250 000 personnes ont manifesté a affirmé la CGT auprès de l’Agence France-Presse.
« Cette journée de manifestation est une grande réussite, nous avons recensé 270 manifestations dans toute la France et à ce stade nous comptons 250 000 manifestantes et manifestants, donc le bilan total sera supérieur », a précisé sur LCI la numéro un du syndicat, Sophie Binet.
Dans la ville portuaire de Dunkerque, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dans la matinée jeudi à l’appel de la CGT, pour protester contre le plan de suppression d’environ 600 postes annoncé par ArcelorMittal dans ses sites du nord et de l’est de la France. « Confisquons les dividendes », « Nationalisation d’ArcelorMittal », pouvait-on lire sur des pancartes.
Plusieurs responsables politiques de gauche, dont le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, le député divers gauche, François Ruffin, la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, ou la présidente La France insoumise (LFI) de la commission des affaires économiques, Aurélie Trouvé, étaient présents aux côtés des manifestants. A Metz, des salariés d’ArcelorMittal Florange, où 113 emplois doivent être supprimés, étaient aussi présents. « Il y en a ras le bol de ceux qui bradent l’hôpital pour payer des Rafale », ont clamé les manifestants.
A Paris, la manifestation s’est élancée à 14 heures de la place d’Italie vers la place de la Nation. S’exprimant avant le départ du cortège, Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise, a évoqué ArcelorMottal en appelant à « nationaliser » l’entreprise. Il a aussi réclamé le retour de la retraite à 60 ans : « Nous continuerons la bataille pour les huit heures de travail par jour, les 35 heures, et nous continuerons à nous battre pour la retraite à 60 ans », a promis le fondateur de La France insoumise. M. Mélenchon a appelé la gauche à s’unir à deux ans de l’élection présidentielle. « Pendant si longtemps, ce furent les syndicats qui unifiaient le 1er-Mai et la classe ouvrière du monde entier. Eh bien aujourd’hui, hélas, une telle unité n’a pas été possible. C’est donc à la politique de faire son travail et de dire “il faut changer le monde si vous voulez changer le travail” », a-t-il appuyé.

Il a aussi évoqué, sans le nommer, Aboubakar Cissé, tué le 25 avril de plusieurs coups de couteau dans une mosquée à La Grand-Combe (Gard). Le triple candidat à la présidentielle, a notamment affirmé que « l’islamophobie et le racisme sont l’invention des puissants pour diviser le peuple ». « Le 1er-Mai est pour nous un rassemblement antiraciste et les racistes de toutes les périodes, de toutes les époques, l’ont toujours su », a martelé M. Mélenchon.
Le défilé parisien a notamment été marqué par des heurts autour d’un stand du Parti socialiste. Selon un journaliste de l’Agence France-Presse, des manifestants habillés de noir, certains portant des drapeaux antifa, ont vivement interpellé et bousculé élus et militants PS qui avaient un stand sur le trajet de la manifestation. « Tout le monde déteste le PS », ont scandé ces manifestants hostiles à la présence socialiste dans une ambiance tendue. L’eurodéputée socialiste, Chloé Ridel, a affirmé sur X que les socialistes ont « été insultés puis attaqués par des black bloc : ils ont arraché nos drapeaux et nos banderoles, ont donné des coups de pied, coups de poing, lancé des pétards », a-t-elle affirmé, écrivant ne pas avoir « de mots assez forts pour condamner la haine et la violence à laquelle nous avons fait face ».
« Violences graves et inacceptables. Ces perturbateurs sont les ennemis des travailleurs et de la gauche. Tout mon soutien aux camarades blessés », a écrit M. Vallaud sur X en annonçant saisir le procureur de la République. « Ils ne nous font pas peur, ils ne feront pas taire les socialistes », a-t-il ajouté.
« Les budgets militaires vont augmenter et le social va trinquer »

Dans les autres cortèges, les manifestants étaient entre 15 000, selon la CGT, et 3 600, selon la préfecture, à Marseille. Ils étaient aussi entre 6 500, selon la préfecture, et 10 000 selon les organisateurs, à Toulouse, 2 900 à Strasbourg, 1 800 à Brest et 2 350 à Bordeaux, selon les préfectures, et 2 200 à Nancy.
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A Nantes, où 5 000 personnes étaient réunies selon les autorités, des heurts se sont produits entre des manifestants et les forces de l’ordre qui ont fait usage de canons à eau. La préfecture de Loire-Atlantique a annoncé sur X que « des manifestants ont dégradé la préfecture et jeté des projectiles ainsi que des mortiers contre les forces de l’ordre », ajoutant que quinze personnes avaient été interpellées.
Pour la journée internationale des travailleurs, la CGT avait appelé avec la FSU, Solidaires et des organisations de jeunesse (Union étudiante, UNEF, FAGE, USL) à défiler « contre l’extrême droite, pour la paix, les libertés et la justice sociale ». Cent jours après l’arrivée du président américain, Donald Trump, au pouvoir, ces organisations syndicales veulent aussi faire de cette journée un temps fort « contre la trumpisation du monde », selon Thomas Vacheron, cadre de la CGT. « Depuis trois mois, on entend en boucle la question de la guerre, la question de la dette, la question de l’insécurité, la question de l’immigration, mais plus jamais les questions sociales », a regretté la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, sur Franceinfo.
Peu avant le départ du cortège parisien, le secrétaire général de Force ouvrière, Frédéric Souillot, a appelé à « l’augmentation des salaires » et à « l’abrogation de la réforme des retraites », adoptée au printemps 2023 grâce à l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution par la première ministre d’alors, Elisabeth Borne.
De leur côté la numéro un de la CFDT, Marylise Léon, et son homologue de l’Unsa, Laurent Escure, se sont pour leur part retrouvés dans le centre de Paris pour une table ronde sur le travail. Pour Mme Léon, il s’agissait d’avoir un espace pour évoquer « la crise du travail », « le grand impensé du moment ».

Ce rendez-vous traditionnel s’est tenu au moment où le gouvernement a apporté son soutien à une proposition de loi visant à autoriser certaines professions à faire travailler les salariés le 1er-Mai, seul jour férié et chômé en France. « Il y a des gens qui ont envie de travailler dans le pays et quand ils sont sur une base volontaire, avec un doublement de salaire, ils doivent pouvoir le faire », a jugé jeudi la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet sur RTL. Il faut qu’« on laisse [la loi] telle qu’elle est », a réclamé la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, sur TF1/LCI.