L’ex-chirurgien Joël Le Scouarnec est jugé à partir du 24 février et jusqu’au 20 juin 2025 devant la cour criminelle du Morbihan.
Âgé aujourd’hui de 74 ans, il comparait pour 300 agressions sexuelles et viols commis entre 1989 et 2017 sur 299 victimes, dont 256 était mineurs au moment des faits.
Son procès doit durer jusqu’au 20 juin.
C’est l’un des plus gros dossiers de pédocriminalité jamais vu en France. À partir du lundi 24 février et jusqu’au 20 juin 2025, Joël Le Scouarnec comparait devant la cour criminelle du Morbihan à Vannes.
L’ancien chirurgien, âgé aujourd’hui de 74 ans et qui a exercé dans de nombreux hôpitaux de l’Ouest, doit comparaître pour « agressions sexuelles » et « viols » commis pendant 31 ans à l’encontre de 299 victimes, dont 256 étaient mineures au moment des faits. Retour sur ce procès hors normes.
300 faits, 299 victimes
L’ancien chirurgien doit répondre de 300 faits commis entre 1989 et 2017 dans des centres hospitaliers ou au domicile des victimes, principalement à l’encontre de ses patients. Au total, 299 victimes ont été dénombrées, parmi lesquelles 256 mineurs. Sur les 299 victimes, 184 se sont constituées parties civiles. Il y aura également 74 autres parties civiles indirectes (famille, etc.) et neuf parties civiles morales. Au total, 63 avocats les représentent.
L’âge moyen des victimes dont le spécialiste a abusé au bloc, dans son bureau, dans leur chambre d’hôpital, en salle de réveil ou au domicile était de 11 ans, fille, comme garçon. La plus jeune n’avait que quelques mois, la plus âgée, 70 ans.
Quatre mois d’audience et des circonstances exceptionnelles
Le procès de Joël Le Scouarnec doit durer quatre mois. Compte tenu du nombre de parties civiles, la justice a dû, comme pour le procès des attentats du 13 novembre 2015 ou du 14 juillet à Nice, trouver des solutions pour accueillir à la fois les victimes, mais aussi les avocats, la presse et le public.
Une équipe de quinze personnes s’est réunie tous les deux mois depuis juin 2022 pour l’organiser. La justice a envisagé une vingtaine de lieux (salles de spectacles, gymnases, parc des expositions de Rennes) capables d’accueillir plusieurs centaines de personnes pour le procès, en vain. Plus de 16 communes proches de Vannes ont également été sollicitées. « On est même allé jusqu’à l’hypothèse de créer de toutes pièces une salle d’audience sur un terrain nu », selon Ronan Le Clerc, secrétaire général du parquet général de la cour d’appel de Rennes.
Finalement, la ville de Vannes a mis gratuitement à disposition de la justice l’ancienne faculté de la ville, située à proximité du palais de justice, pour y installer les différentes salles qui accueilleront les parties civiles, les journalistes et le public.
Labellisé « procès sensible »
Le procès a été labellisé « procès sensible ». La labellisation « procès sensible » est une demande que les juridictions adressent au ministère de la Justice, dans ce cas précis, en raison du nombre impressionnant de victimes. « Le fait de bénéficier de ce label nous permet d’obtenir des abondements budgétaires pour organiser au mieux le procès », explique Ronan Le Clerc.
Fin janvier 2025, 700.000 euros avaient déjà été débloqués par le ministère pour aménager les sites et déployer un important volet technique tels que la visioconférence, la sonorisation, ou encore l’informatique.
À cela s’ajoutent des préfabriqués pour le personnel supplémentaire affecté au procès, les salaires de techniciens, agents de sécurité, gardiennage, parking, etc.. Sans oublier les frais de reprographie, avec une ordonnance de mise en accusation de près de 900 pages qu’il a fallu reproduire et envoyer à toutes les parties civiles, relève Ronan Le Clerc. Ces frais divers sont estimés à 385.000 euros.
Quant au volet des frais de justice (déplacements des témoins, experts, enquêteurs et parties civiles qui vont se relayer à la barre), il a été provisionné par le ministère à hauteur de 1,5 million d’euros, mais pourrait atteindre jusqu’à 2 millions.
Près de 300 journalistes accrédités
Début février, 264 journalistes représentants 62 médias (français, belges, britanniques, néerlandais et espagnols) et cinq dessinateurs s’étaient accrédités pour ce procès qui doit voir défiler à la barre 45 témoins et 10 experts.
La salle des assises de Vannes étant trop petite pour accueillir tous les protagonistes du procès, les journalistes et le public pourront suivre chaque jour la retransmission des débats dans deux salles situées à environ 300 mètres de là, chacune avec une capacité d’une centaine de places.
Pas de souvenir pour la plupart des patients
Le très jeune âge des patients, le fait qu’ils aient été abusés la plupart du temps alors qu’ils étaient sous anesthésie générale ou dans leur chambre au réveil a eu pour conséquence que la plupart des victimes n’ont aucun souvenir des sévices infligés. Une difficulté à laquelle va devoir se confronter la cour criminelle qui va juger l’ancien chirurgien. Les magistrats comme les avocats généraux peuvent compter toutefois sur les milliers de pages des journaux intimes de ce père de famille surdiplômé et qualifié par tous d’ « intelligent » dans lesquelles il décrit au quotidien et avec une vulgarité écœurante les atrocités qu’il a fait subir à ceux et celles qu’il était censés soigner pour leur appendicectomie notamment…
S’ajoutent à cela deux répertoires informatiques baptisés par le spécialiste « Vulvettes » et « Quéquettes » recensant les noms de 250 fillettes et garçons entre 1984 et 2006 associés à des descriptions d’agressions sexuelles présumées.
L’accusé ne nie pas les faits. S’il fait part d’une amnésie pour nombre d’entre eux, il déclare toutefois que « si c’est écrit » dans ses carnets, « c’est que vraisemblablement ça a dû arriver ». Il a d’ailleurs fait part, au cours d’un interrogatoire en janvier 2024, de son intention de s’expliquer. « Pour moi, la prison a été une libération. Elle m’a libérée de l’emprise que durant 30 ans avait sur moi mon attirance sur les enfants (…) Je les ai blessés dans ce qu’ils avaient de plus intime et j’en suis pleinement conscient. Je ne peux pas revenir sur ce que j’ai fait mais je veux pouvoir leur exprimer au cours de mon procès les regrets que j’éprouve sincèrement d’avoir pu avoir ce comportement vis-à-vis d’eux » a-t-il dit.
L’accusé transféré à Vannes le temps de son procès
Mi-janvier, Joël Le Scouarnec a été transféré de la maison d’arrêt de Ploemeur dans le Morbihan et à celle de Vannes où il sera détenu jusqu’à la fin de son procès.
Comme il l’est depuis son incarcération, il a été placé à l’isolement et considéré comme un « détenu vulnérable » du fait de ses condamnations de 2005 (quatre mois d’emprisonnement avec sursis pour des faits de détention et d’importation d’images pédopornographiques) et de 2020 (quinze ans de réclusion criminelle pour des faits de viol sur mineur de 15 ans, viol incestueux sur mineur par personne ayant autorité, exhibition sexuelle et consultation d’images pédopornographiques notamment). Selon Ouest France, la prison de Vannes a été « quelque peu réaménagée pour l’accueillir en toute sécurité ».