De 9 heures à 20 heures sur LeMonde.fr mercredi 18 décembre, retrouvez notre live consacré aux 80 ans du Monde, où plusieurs journalistes de la rédaction, ainsi que son directeur, viendront répondre à vos questions, avant un « live vidéo » de 18 heures à 20 heures.
Dans un paysage de l’information en transformation permanente depuis trois décennies, certains principes restent heureusement immuables. Ainsi de ceux édictés par la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes, adoptée en 1971 à Munich (Allemagne) et reprise in extenso dans la charte d’éthique et de déontologie du Groupe Le Monde, annexée aux statuts du groupe lors de son rachat, en 2010.
Ainsi également de cette phrase figurant dans le « A nos lecteurs » écrit de la plume d’Hubert Beuve-Méry et figurant en une du premier numéro du Monde, le 18 décembre 1944. « Sa première ambition est d’assurer au lecteur des informations claires, vraies et, dans toute la mesure du possible, rapides, complètes », affirmait-il du nouveau-né. Quatre-vingts ans plus tard exactement, cette phrase n’a pas pris une ride, chacun de ses mots restant pertinent.
Bien sûr, le contexte, lui, a été bouleversé. Les médias traditionnels n’ont plus le monopole de l’information. Chacun et chacune peut publier sur les réseaux sociaux un message susceptible d’être diffusé instantanément dans le monde entier. Au soir de l’élection présidentielle remportée par Donald Trump, le 5 novembre, Elon Musk l’a acté en postant « Vous êtes les médias maintenant », prêchant de toute évidence pour sa paroisse, puisqu’il est le propriétaire du réseau social X.
Ce sont deux conceptions de l’information qui s’opposent frontalement aujourd’hui. Pour Elon Musk, si l’on se fie aux contenus de X et d’autres plateformes, tout se vaudrait : information recueillie à la source et vérifiée, fausse information destinée à tromper le public, propagande, rumeur, message à caractère publicitaire, opinion, citation sortie de son contexte, contenus humoristiques, contenus créés par l’intelligence artificielle, etc.
Ce n’est évidemment pas la conception défendue par Le Monde et de nombreux autres médias. Depuis 1944, Le Monde s’efforce de pratiquer un journalisme de qualité porté par un haut niveau d’exigence professionnelle. Notre mission reste celle définie par Hubert Beuve-Méry : mettre à disposition des lecteurs et des lectrices une information factuelle et mise en perspective, des analyses, des opinions, sans leur en imposer aucune. Nous les croyons assez éclairés pour s’en forger une eux-mêmes.
Le travail de la rédaction du Monde s’appuie sur de grands principes transmis de génération en génération de journalistes et partagés par ses 540 membres.
Un journalisme de terrain
Aller puiser l’information à sa source : tel a toujours été l’un des fondements du journalisme au sein de notre quotidien. Le travail de terrain et le reportage sont l’essence même du métier tel que nous le concevons. Même dans les périodes de difficultés économiques qu’a pu traverser le journal, le budget alloué aux reportages a toujours été défendu et préservé. Le Monde dispose aussi d’une vingtaine de correspondants permanents à l’étranger, ainsi que d’un réseau de plusieurs dizaines de journalistes pigistes sur tous les continents.
Un exemple : pour suivre le conflit israélo-palestinien, Le Monde s’appuie sur des correspondants en Israël – dont un permanent – et à Beyrouth. Depuis le 7 octobre 2023, des envoyés spéciaux, journalistes du service International, grands reporters et photographes, ont été envoyés en renfort. La Société des rédacteurs du Monde s’est associée à d’autres sociétés de journalistes pour regretter l’impossibilité pour les journalistes d’avoir accès à la bande de Gaza et de pouvoir y exercer leur mission d’information.
La règle d’or de la vérification
Le traitement de l’information passe par sa vérification. C’est la première règle enseignée dans les formations au journalisme. Une information ne doit pas être publiée tant qu’il existe un doute sur son authenticité. Dans la mesure du possible, elle doit être recoupée, c’est-à-dire être confirmée par plusieurs sources et non une seule. C’est l’application scrupuleuse de cette loi qui fait que certains internautes regrettent parfois que Le Monde puisse mettre quelques minutes de plus que tel ou tel confrère pour annoncer une nouvelle. Nous préférons cela plutôt que de publier une information incomplète ou démentie.
Les articles du Monde sont relus jusqu’à six fois avant publication, notamment par les éditeurs, des journalistes dont la signature est inconnue des lecteurs et des lectrices mais dont le rôle est essentiel puisqu’ils sont chargés, entre autres, de vérifier les informations contenues dans les articles. Cela ne nous met pas à l’abri des erreurs, nul n’étant infaillible et la production éditoriale de la rédaction du Monde (une centaine de contenus par jour) étant considérable. Mais Le Monde s’engage – par le biais de sa charte des rectificatifs – à assumer et à corriger ses erreurs de façon explicite.
Le principe du contradictoire
Lors des rencontres de la rédaction avec le public scolaire, la question de la « neutralité » du Monde revient quasiment systématiquement. Nous préférons à ce concept absolu ceux d’objectivité et d’honnêteté dans le traitement de l’information, plus à la portée d’une intelligence humaine. Le respect du principe du contradictoire en est un élément essentiel. Les différents points de vue sur un sujet d’actualité doivent être portés à la connaissance des lecteurs et des lectrices.
Cela ne signifie pas que tous se valent et doivent se voir accorder la même place. Un exemple : il ne saurait être question, à chaque fois que Le Monde évoque l’urgence climatique, d’accorder la même place aux climatosceptiques, alors que le consensus de la communauté scientifique sur l’origine humaine du changement climatique est établi depuis plusieurs années. La rédaction du Monde s’efforce de développer une expertise qui lui permette de mettre en perspective les sujets d’actualité.
Une indépendance éditoriale absolue
Hubert Beuve-Méry défendait le principe d’un journal indépendant de tous les pouvoirs, qu’ils soient politiques, économiques ou religieux. Ses successeurs n’ont pas dérogé à cette ligne. La rédaction du Monde est seule responsable de sa ligne éditoriale, dont elle débat régulièrement à l’occasion de comités de rédaction organisés par la Société des rédacteurs du Monde en présence de la direction du journal.
Le rachat du Groupe Le Monde en 2010 n’a en rien changé ce principe. C’est même en assurant aux journalistes et aux salariés du groupe qu’ils n’interviendraient en aucune façon sur la ligne éditoriale des différents titres que les investisseurs ont gagné leur confiance. Depuis lors, cette règle de non-intervention, stipulée expressément dans la charte d’éthique et de déontologie du groupe, est scrupuleusement respectée. Les actionnaires n’ont jamais été invités à assister à une conférence de rédaction.
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