Pays hôte du huitième sommet du Grand-Mékong, programme d’aide lancé en 1992 par la Banque asiatique de développement, la Chine a choisi ce prétexte pour inviter le général Min Aung Hlaing, chef de la junte militaire birmane et auteur du coup d’Etat de février 2021. C’est une première : même si la République populaire a entériné le putsch, Pékin avait jusqu’à présent snobé le numéro un birman et mis en pause tous ses projets d’investissements.
Le général Min Aung Hlaing, qui rencontrera le premier ministre chinois Li Qiang, va également côtoyer les chefs de gouvernement du Laos, de Thaïlande et du Cambodge – qui refusent pourtant de le voir depuis 2021 dans le cadre des réunions de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean). Après Kunming, capitale de la province du Yunnan, où est organisé le sommet du Grand-Mékong, le généralissime se rendra à Chongqing et Shenzhen.
Très proche de la Russie, où il a voyagé à deux reprises, le général Min entretient une relation difficile avec son voisin chinois. Celui-ci était paradoxalement plus proche de l’ancienne cheffe du gouvernement birman Aung San Suu Kyi, ex-dissidente et icône de la lutte pour la démocratie…
L’émissaire spécial chinois Deng Xijun a plusieurs fois tenté, en vain, d’accéder à Aung San Suu Kyi, emprisonnée depuis le coup d’Etat, mais sans succès : le régime birman lui a refusé tout accès à l’ancienne dirigeante. De son côté, en octobre 2023, le général Min avait fait des pieds et des mains pour être invité au sommet des « routes de la soie » à Pékin : l’économie birmane est exsangue, et il s’efforce alors de raviver les projets chinois sur des bases favorables pour Pékin.
« Changement de pied » de Pékin
Non seulement l’invitation n’est pas arrivée, mais l’offensive surprise d’une coalition de groupes armés ethniques opposés à la junte à la frontière chinoise, le 27 octobre 2023, a renversé la table du conflit birman : l’armée du régime connaît sa plus cinglante défaite. La position chinoise est immédiatement perçue comme ambiguë, au point que les voix ultranationalistes au sein de la junte voient la main de Pékin derrière les avancées de ces guérillas qui dépendent depuis des décennies de ses faveurs. La Chine n’a-t-elle pas profité de la victoire des rebelles pour « nettoyer » les centres de cyberfraude à la frontière birmane qui avaient proliféré sous la coupe de la junte ?
Pékin a ensuite joué les négociateurs en organisant à Kunming des pourparlers de cessez-le-feu entre la junte birmane et les deux principaux groupes armés ethniques à l’offensive, l’Armée de l’alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA) et l’Armée nationale de libération des Ta’ang (TNLA), tous deux dans sa sphère d’influence du nord de l’Etat Shan.
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