A l’approche du cinquantième anniversaire des éditions L’Harmattan, institution spécialiste des sciences humaines et de la francophonie qu’il a cofondée en 1975, Denis Pryen se préparait à célébrer l’étonnante pérennité de sa petite maison indépendante. Mais la fête s’annonce mal : c’est devant les tribunaux que l’homme, âgé de 85 ans, s’apprête à passer les prochains mois. Car il dénonce la captation de son entreprise par son propre neveu, Xavier Pryen. « Il s’est rendu propriétaire d’un groupe valorisé à 15 millions d’euros sans mettre un seul euro. Il a siphonné l’argent et maintenant il veut vendre. L’Harmattan va dans le mur », s’indigne Denis Pryen dans son appartement parisien du Quartier latin.
Mercredi 13 novembre, l’éditeur a adressé à la procureure de Paris une plainte contre X pour plusieurs motifs dont « abus de biens », « escroquerie », « abus de faiblesse » et « faux et usage de faux ». Cette plainte est « en cours de traitement », fait savoir le parquet de Paris. Consultée par Le Monde, elle dénonce « une entreprise massive et systématique de pillage du groupe L’Harmattan, par des actions conçues, concertées et indivisibles entre elles et sciemment conduites sur la durée, qui devaient aboutir finalement à la cession d’un groupe d’édition et d’activités culturelles emblématique du monde éditorial français, gravement affaibli ». Par ailleurs, une procédure est également en cours devant le tribunal de commerce de Paris. Une audience a eu lieu le 15 novembre, dont la décision a été mise en délibéré.
Sollicités, Xavier Pryen et son avocat, Me Marc Delassus, également visé en tant que complice, n’ont pas souhaité s’exprimer en détail. « Ma priorité absolue, comme président du groupe, vigilant de ses intérêts et de ceux des équipes, est d’être sur le pont et de continuer de porter l’élan nécessaire à l’activité et l’organisation de l’entreprise, dans une phase ardente de reconfiguration et d’adaptation au marché », se contente de déclarer Xavier Pryen.
Un modèle économique singulier
Les éditions L’Harmattan (environ 8 millions d’euros de chiffre d’affaires par an) ont été créées il y a un demi-siècle pour accompagner les mouvements tiers-mondistes et donner une voix aux cultures du Sud. Particulièrement intéressée par le monde francophone, et notamment l’Afrique, la maison publie, en très grande quantité, de la littérature, des ouvrages de sciences humaines et des travaux de recherche – des écrits souvent ultra-spécialisés, au lectorat confidentiel.
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