Un missile hypersonique à capacité nucléaire a été utilisé pour la première fois par la Russie contre l’Ukraine, dans la nuit de mercredi à jeudi.
Inconnu jusque-là, il pourrait menacer la quasi-totalité de l’Europe et toucher des cibles jusque sur la côte ouest des États-Unis.
TF1info fait le point sur ce que l’on sait de ce missile encore expérimental baptisé « Orechnik ».
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Guerre en Ukraine : mille jours depuis l’invasion russe
Kiev a accusé le président russe, Vladimir Poutine, d’avoir tiré sur son territoire un missile intercontinental conçu pour emporter des têtes nucléaires. Pourtant, si l’on en croit un responsable du ministère américain de la Défense, le tir russe contre la ville de Dnipro était celui d’un « missile balistique expérimental de portée intermédiaire » et non d’un missile intercontinental sans charge nucléaire, comme l’avait d’abord affirmé l’armée de l’air ukrainienne. Le président russe a déclaré lors d’un point presse que ce nouveau missile hypersonique se nomme « Orechnik », (ce qui signifie « Noisetier » en russe) et a été employé « en réponse aux plans américains de production et de déploiement de missiles à courte et moyenne portée« , en référence aux fameux ATACMS (nouvelle fenêtre), avant d’ajouter que la Russie « répondrait de manière décisive et symétrique » en cas d’escalade.
Comme son nom l’indique, un missile intercontinental (ICBM) a la capacité de frapper un continent depuis un autre. Techniquement, selon les traités internationaux, cela signifie qu’il dispose d’une portée supérieure à 5500 km, alors qu’un missile à portée intermédiaire (IRBM) peut lui parcourir une distance comprise entre 3000 et 5500 km. Théoriquement, avec ce type de portée, sa trajectoire l’amène théoriquement hors de l’atmosphère terrestre, au-delà de 600 km d’altitude, autrement dit dans l’espace.
Mais la distance qui sépare la région russe d’Astrakhan, d’où le missile Orechnik a été tiré selon Kiev, et l’usine de fabrication de satellites Pivdenmach, qu’il a touchée à Dnipro (centre-est de l’Ukraine), est d’environ 800 km. Sur une si courte distance, d’après les experts, il n’a probablement pas quitté l’atmosphère. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les missiles hypersoniques ne sont pas forcément plus rapides que les missiles balistiques classiques. La grande différence est que le missile hypersonique est manœuvrable, ce qui rend sa trajectoire difficilement prévisible, et donc aussi son interception.
Une variante de l’ancien missile russe « RS-26 Roubej » ?
Depuis 24 heures, les spéculations vont bon train quant à la nature exacte de l’engin. Des experts avancent que la Russie pourrait avoir utilisé une variante de son missile « RS-26 Roubej », dont le développement avait été arrêté en 2018. Dans le monde de l’industrie de guerre, il est fréquent, en effet, de donner un nouveau nom à une technologie militaire dès qu’un nouveau développement apparaît. Pour Fabian Hoffmann, l’importance du tir du missile Orechnik réside surtout dans le fait que celui-ci semblait transporter un type de charge utile qui « est exclusivement associé aux missiles à capacité nucléaire ».
« Je serais surpris que la Russie parvienne à fabriquer (un tel engin) sans s’appuyer au moins à 90% sur des conceptions existantes et sans cannibaliser les pièces du RS-26 (ou un autre missile)« , poursuit cet expert en technologie des missiles et stratégie nucléaire à l’université d’Oslo, dans un message posté sur le réseau social X. L’abandon du développement du RS-26 « n’a jamais été officiellement confirmé et il a pu se poursuivre sous les radars« , abonde Nick Brown, directeur de l’entreprise de renseignement britannique Jane’s.
Il peut atteindre 12.350 km/h
Le programme d’armement du RS-26 Roubej, dont le premier test réussi remontait à 2012, avait été gelé, d’après l’agence TASS, faute de moyens pour mener « simultanément » ce projet avec le développement des systèmes hypersoniques nouvelle génération Avangard (nouvelle fenêtre), censés pouvoir atteindre une cible quasiment partout dans le monde. Selon Vladimir Poutine, le missile Orechnik, qui a tiré jeudi « dans sa configuration hypersonique non nucléaire« , peut atteindre la vitesse de Mach 10, soir 12.350 km/h. « Il n’existe aujourd’hui aucun moyen de contrer de telles armes« , a vanté le dirigeant russe.
Ce nouveau missile hypersonique russe serait aussi muni de charges manœuvrantes dans les airs, ce qui accroitrait encore la difficulté d’interception. Une vidéo du tir russe, diffusée sur les réseaux sociaux, montrait six puissants flashs successifs tombant du ciel au moment de l’attaque, signe, d’après les experts, que le missile transporte au moins six charges. Ce « mirvage« , comme on l’appelle en jargon militaire, consiste à équiper un missile de plusieurs têtes, nucléaires ou conventionnelles, qui suivent chacune une trajectoire indépendante lors de leur entrée dans l’atmosphère.
Un type de missile interdit jusqu’en 2019
Un traité oblige la Russie à informer les États-Unis du lancement de certains types de missiles balistiques, dans l’espoir d’éviter une escalade qui pourrait conduire à une guerre nucléaire totale. Un responsable américain a déclaré que la Russie avait « pré-notifié » Washington du lancement avant l’attaque pour tenter d’éviter des représailles, bien que la Russie ait déclaré ne l’avoir fait que 30 minutes auparavant par l’intermédiaire du Centre de réduction de la menace nucléaire des États-Unis, a indiqué le porte-parole du Kremlin.
Jusqu’en 2019, la Russie et les États-Unis ne pouvaient mettre en service de tels missiles en vertu du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) signé en 1987 pendant la Guerre froide. Mais en 2019, Donald Trump avait retiré Washington de ce texte, accusant Moscou de le violer. Le missile Orechnik peut menacer la quasi-totalité de l’Europe et pourrait théoriquement toucher des cibles sur la côte ouest des États-Unis. Selon le président russe, le tir était un essai en condition de combat, signifiant donc que cette arme est encore en développement. Il a d’ailleurs menacé de la réutiliser.