Hassan ne peut quitter des yeux le monticule de gravats sur lequel les secouristes, aidés de pelleteuses, évoluent prudemment, déplaçant de la ferraille et des blocs de béton à la recherche de corps. Quelque part sous les décombres de l’immeuble de huit étages qui a été pulvérisé par une frappe israélienne au cœur de Beyrouth, à l’aube du samedi 23 novembre, gisent sa sœur May, âgée de 62 ans, le mari octogénaire de cette dernière et l’un de leurs fils, quadragénaire. « Je lui ai encore parlé hier. On se parlait tous les jours. C’est monstrueux ce qui arrive », dit le sexagénaire, dont le nom a été modifié à sa demande, s’agenouillant un instant, fébrile, pour reprendre ses esprits et retenir ses larmes.
Une odeur âcre de poudre imprègne l’air et se mélange à la poussière dans le quartier populaire de Basta, où vivent chiites et sunnites, près du Sérail, le cœur des institutions libanaises, et des représentations diplomatiques. La frappe a laissé un profond cratère à la place de l’immeuble visé et, tout autour, des amas de pierre et de ferraille, des bâtiments éventrés et des fenêtres soufflées. L’agence nationale d’information libanaise affirme que le raid a été mené avec cinq missiles, des « bombes perforantes ». Au moins 20 personnes ont été tuées et 66 blessées, selon un bilan provisoire publié samedi soir par le ministère de la santé.
Des responsables israéliens ont fait savoir aux médias, sous couvert de l’anonymat, que la cible était Mohammad Haydar, le chef des opérations du Hezbollah, sans confirmer sa mort. Sur les lieux de la frappe, surveillés par des militants de la formation chiite, sans armes, le député du Hezbollah Amin Cherri a démenti qu’un dirigeant de son mouvement ait été ciblé. Pour tenter de tuer ce haut cadre militaire, l’armée israélienne a bombardé l’immeuble sans avertissement préalable, à quatre heures du matin, surprenant les habitants dans leur sommeil. La frappe, d’une rare puissance, a été entendue à plus d’une dizaine de kilomètres à la ronde.
« C’est un massacre »
Une trentaine de personnes vivaient dans l’immeuble bombardé. Des dizaines d’autres habitaient les immeubles attenants, dont certains ont eu les façades soufflées dans l’explosion. Il y avait parmi eux des habitants du quartier, ainsi que des familles de la banlieue sud, du sud et de l’est du pays, déplacées depuis qu’Israël a lancé, le 23 septembre, une intense campagne aérienne au Liban, puis une offensive terrestre dans la bande frontalière, pour faire cesser les tirs du Hezbollah sur son territoire. Plus de 3 670 Libanais ont été tués et 1,2 million déplacés dans cette guerre, selon les autorités libanaises.
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