La Cour constitutionnelle roumaine « annule la totalité du processus de l’élection du président roumain » après s’être réunie pour « s’assurer de la validité et de la légalité » du scrutin, et demande à ce que « l’intégralité du processus électoral » recommence, a-t-elle annoncé dans un communiqué publié vendredi 6 décembre.
Le deuxième tour du scrutin était prévu deux jours plus tard, dimanche 8 décembre. C’est au gouvernement de fixer le nouveau calendrier électoral. « Je reste en fonction jusqu’à ce qu’un nouveau président soit élu », a déclaré le chef d’Etat roumain, Klaus Iohannis, dans une allocution solennelle. Le dirigeant proeuropéen a ajouté à l’intention « des investisseurs, de l’UE et de l’OTAN » que la Roumanie restait « un pays stable et solide ».
La juridiction a pris cette décision au lendemain de la déclassification de documents du renseignement national faisant état d’une opération d’envergure sur TikTok en faveur du candidat prorusse, Calin Georgescu, arrivé en tête au premier tour avec 23 % des voix, contre toute attente, devant Elena Lasconi, cheffe de file des centristes (19 %).
Ces documents déclassifiés détaillent comment ce candidat, virtuellement inconnu un mois plus tôt, a réussi, en quelques semaines, à devenir une star du réseau social chinois, dans des conditions troublantes. Comme l’ont déjà documenté des médias, cette campagne est passée par la rémunération d’influenceurs locaux afin qu’ils diffusent des vidéos appelant à se rendre aux urnes, subtilement orientées pour que le « candidat idéal » qu’elles décrivaient corresponde au profil de M. Georgescu, et pour populariser certains mots-clés. Une fois les vidéos publiées, de faux comptes les inondaient de commentaires de soutien à M. Georgescu.
L’annulation est la « seule solution correcte », selon le premier ministre
Calin Georgescu a dénoncé, dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, une forme de « coup d’Etat organisé », ajoutant : « Notre démocratie est en danger. » Cet ancien haut fonctionnaire de 62 ans, critique de l’UE, de l’OTAN et de toute aide militaire à l’Ukraine, a appelé à rester « confiant dans notre idéal commun ». Le président du parti d’extrême droite Aliance pour l’unité des Roumains, George Simion, a aussi fustigé un « coup d’Etat en force. Nous ne descendons pas dans la rue, nous ne nous serons pas mis au défi, ce système doit tomber démocratiquement ! », a-t-il écrit sur les réseaux sociaux.
Elena Lasconi, la candidate proeuropéenne du parti centriste Union Sauvez la Roumanie, a fermement condamné la décision de la Cour, affirmant qu’elle était « illégale, immorale et qu’elle écrase l’essence même de la démocratie », accusant aussi « l’Etat roumain [d’avoir] foulé aux pieds la démocratie. (…) Ils ont détruit trente-cinq ans de démocratie ». Pour elle, la question de l’ingérence russe aurait dû être abordée après les élections.
Le premier ministre, Marcel Ciolacu, a déclaré que l’annulation était « la seule solution correcte » après la révélation par les services de renseignement que « le vote du peuple roumain a été manifestement faussé en raison de l’ingérence russe ». « Les élections présidentielles doivent avoir lieu à nouveau », a-t-il écrit sur Facebook. « Dans le même temps, les autorités doivent mener des enquêtes pour découvrir qui est responsable de cette tentative massive de [fausser] le résultat de l’élection présidentielle. »
La semaine dernière, la Cour constitutionnelle roumaine avait ordonné un recomptage des votes du premier tour, qui s’est ajouté à une série de controverses.