Comment appliquer le droit d’auteur à l’intelligence artificielle (IA) ? Cette question reste non résolue. Et suscite plusieurs rapports et initiatives de parties prenantes, alors que se négocie à Bruxelles la mise en œuvre du règlement européen AI Act et de sa disposition la plus controversée : l’obligation, pour les fabricants de modèles d’IA comme OpenAI, Google ou Mistral, de fournir un « résumé suffisamment détaillé » des contenus − articles, livres, photos, musique, vidéos, etc. − utilisés pour entraîner leurs logiciels. La perspective du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle des 10 et 11 février 2025, à Paris, renforce l’enjeu.
Lundi 9 décembre a été présenté un rapport très attendu sur la mise en œuvre de l’AI Act, commandé par la ministre de la culture démissionnaire, Rachida Dati, au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). Son auteure, la professeure des universités Alexandra Bensamoun, y propose une « interprétation ambitieuse » du texte : « Son but est de permettre l’exercice des droits des propriétaires de contenus », explique la juriste, en référence à la volonté des groupes de presse, éditeurs et producteurs de films ou de disques de vérifier si leur contenu a été utilisé pour entraîner une IA, afin de réclamer une rémunération.
Son rapport préconise donc de demander aux fabricants « une liste de noms de domaine, et même des adresses de pages Web » des contenus utilisés. Le « secret des affaires », mentionné dans l’AI Act à la demande des entreprises d’IA, ne pourrait être invoqué qu’au sujet des « techniques » utilisées pour traiter ces contenus, comme le filtrage ou la « tokenisation », qui consiste à découper un texte en mots ou en séquences. « La liste précise d’ingrédients peut être rendue publique, mais pas la recette », écrit Mme Bensamoun.
Des ayants droit inquiets
Que va devenir ce rapport ? Il doit « nourrir les positions françaises au niveau européen », avait expliqué en juin Thomas Courbe, le directeur général des entreprises au ministère de l’économie. « La prochaine étape, c’est de le porter en débat interministériel et d’essayer de le vendre sur la scène européenne. Il y a aussi une grosse attente de nos membres sur la place de la culture au sommet de l’IA à Paris », explique Jean-Philippe Mochon, président du CSPLA.
En réalité, les ayants droit restent inquiets de voir les modèles d’IA utiliser leurs contenus, sans compensation, explique Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. « Quelle position va défendre Paris ? L’exécutif doit changer son fusil d’épaule », estime-t-il, rappelant la vive opposition d’Emmanuel Macron aux obligations de transparence dans l’AI Act, au nom de la protection des start-up françaises d’IA comme Mistral, Dust ou Photoroom.
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