Le 12 octobre, le premier ministre polonais Donald Tusk avait décontenancé l’Europe. Face aux arrivées de migrants en provenance de la Biélorussie voisine, il avait annoncé sa volonté de suspendre partiellement le droit d’asile pour ceux qui entrent irrégulièrement dans son pays, précisant qu’il demanderait à l’Union européenne (UE) d’avaliser cette mesure. Mercredi 11 décembre, la Commission européenne a entériné sa demande, preuve du poids politique de plus en plus important du dirigeant polonais et symptôme du durcissement croissant du Vieux Continent en matière de politique migratoire.
En cas d’« instrumentalisation » des migrants aux frontières de l’UE, notamment avec la Russie et la Biélorussie, les Etats membres pourront exceptionnellement limiter l’exercice des « droits fondamentaux » de ces personnes, comme le droit d’asile, a annoncé la vice-présidente de la Commission, Henna Virkkunen. « Si la sécurité de l’UE est en jeu, précise la commissaire finlandaise, les Etats membres pourront adopter des mesures exceptionnelles, proportionnelles, temporaires, qui respectent le droit international et de l’Union européenne. »
« Nous avons franchi une nouvelle étape décisive pour soutenir nos États membres de première ligne dans la lutte contre les menaces hybrides liées à la militarisation inacceptable des migrations par la Russie et la Biélorussie », a renchéri Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, dans un communiqué. L’exécutif communautaire a également annoncé 170 millions d’euros d’aides aux Etats membres frontaliers de la Russie et de la Biélorussie pour moderniser l’équipement de surveillance de ces pays aux frontières de l’UE.
« Une boîte de Pandore de dérogations »
Selon la Commission, les arrivées irrégulières aux frontières entre l’UE et la Biélorussie ont augmenté de 66 % cette année par rapport à la même période en 2023, en particulier à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, largement du fait du régime de Minsk, qui équipe d’échelles ces personnes attirées sur son territoire grâce à des visas d’étudiant ou de touristes, et qui sont ensuite orientées vers la Pologne.
Si la suspension de certains droits fondamentaux, et notamment du droit d’asile, est possible dans certaines situations exceptionnelles liées à la sécurité des pays européens, selon la convention de Genève, Bruxelles autorise-t-il pour autant les Etats-membres à renvoyer ces personnes vers la Biélorussie ou la Russie, au mépris du principe de « non-refoulement », un autre droit fondamental ? C’est la première interprétation de nombre d’observateurs.
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