Une grande satisfaction dans l’ensemble mais quelques pistes d’amélioration. Voilà ce qui ressort du rapport présenté par la Commission reconnaissance et réparation (CRR), jeudi 12 décembre à l’occasion d’un colloque, pour dresser le bilan de ses trois ans d’existence. Lancée en novembre 2021 après les conclusions de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase), cette instance a pour but d’accompagner les victimes mineures ou majeures de violences sexuelles commises par des membres de congrégations religieuses.
Cette étude, commandée par la CRR et son président, Antoine Garapon, et réalisée par une sociologue extérieure, Véronique Le Goaziou, est notamment centrée sur les retours de personnes victimes (sous la forme d’entretien avec 55 d’entre elles) ayant été suivies par l’instance, et dont les dossiers sont clos. Au-delà de dresser un bilan, le document a vocation à partager l’expérience de la CRR pour appliquer ces méthodes de la justice réparatrice éventuellement dans d’autres domaines (fédérations sportives ou éducation nationale, par exemple).
Il ressort du rapport un sentiment global de satisfaction des personnes interrogées. La plupart saluent l’écoute et l’empathie de la part des commissaires (personne accompagnant la victime tout au long de sa démarche), avec une certaine « douceur », contrastant souvent avec la « froideur » des acteurs cléricaux ou religieux, ne manifestant aucun soutien. Elles soulignent que leur parole n’est jamais mise en cause ou contestée. Les conséquences positives de cette posture de « l’écouter et croire » sont triples, selon le rapport. Elle atteste que les faits ont bien eu lieu – ce dont finissent par douter certaines victimes –, que les faits sont graves, et enfin que les victimes ne sont en rien responsables de ce qui leur est arrivé.
Les commissaires vont surtout aider à poser les mots justes sur les faits, parler de « viol » ou de « fellation » plutôt qu’un euphémisant « attouchement ». « Les personnes victimes peuvent user de termes flous, alors que la CRR va poser des termes d’une grande clarté. Et elle le fait en tant que représentante du monde social ordinaire », complète la sociologue Véronique Le Goaziou auprès du Monde.
« Un avant et un après »
Cette confrontation à la réalité de ce qui leur est arrivé est souvent très dure mais libératrice. Ainsi, plusieurs victimes expliquent qu’elles n’avaient pas mesuré la difficulté de la démarche et la souffrance générée, mais qu’elles ont senti « un avant et un après » la CRR, sauf de « rares exceptions », selon le rapport (notamment si la congrégation de l’agresseur n’a pas joué le jeu). Les personnes interviewées satisfaites se sentent « délaissées d’un fardeau », ont relevé un changement de leur état émotionnel, font moins de cauchemars, prennent moins de médicaments, etc. « Cet allègement leur permet de parler des violences subies d’une façon qui les affecte moins. Elles peuvent en parler, sans s’effondrer, à des étrangers, mais surtout à leurs proches, et souvent à leurs enfants, témoigne Véronique Le Goaziou. A partir d’une réparation très personnelle, les victimes vont pouvoir améliorer les liens avec leur entourage. »
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