Notre vie politique va mal. Elle est à une croisée des chemins, ces moments où l’on se dit que l’on ne peut plus continuer comme cela. Les pathologies dont souffre notre vie politique viennent de loin, mais ont atteint aujourd’hui un paroxysme à travers une incroyable série d’expériences politiques récentes.
Nous avons voté, mais on nous a dit qu’il n’y avait pas de vainqueur des législatives. Le Rassemblement national (RN) les a gagnées en voix mais ne gouverne pas. Le Nouveau Front populaire (NFP) les a gagnées en sièges mais ne gouverne pas non plus. Un premier ministre, issu d’un parti arrivé cinquième aux législatives, a été renversé quelques semaines seulement après son entrée en fonctions.
Des formations politiques (RN et La France insoumise) qui gagnent des voix et des élus, participent à la vie démocratique, sont parfois classées hors du champ « républicain », provoquant la colère parmi leurs millions d’électeurs. En vérité, on ne comprend plus rien à une vie politique semblant incapable d’expliquer où l’on va.
La « grande transformation » du monde
Un grand chaos s’est installé : des coalitions se forment sur des malentendus (Les Républicains [LR]-Renaissance), d’autres qui s’étaient bâties sur un ancrage programmatique (Nupes puis NFP) reviennent très vite vers leurs anciennes divisions et contradictions sur l’exercice du pouvoir.
Sur cet équilibre démocratique précaire, une dernière (très grosse) goutte d’eau est venue ajouter sa touche : la « découverte » et la mise en scène politique de nos déficits publics. L’opinion écoute, étonnée, celles et ceux qui étaient aux affaires dire que ce n’est pas leur faute. Pour comprendre la situation, il convient d’opérer une certaine distanciation.
Nous sommes les contemporains d’une « grande transformation » du monde : le sociologue suisse Hanspeter Kriesi l’a théorisée comme la progressive adaptation de nos pays à la « globalisation », qui produit une violente tectonique des plaques politiques. L’intégration de la France à ce nouveau monde « globalisé » a ouvert une brèche béante dans notre vie politique : jamais la question des frontières, des souverainetés et des identités n’a occupé une telle place.
Emmanuel Macron a eu beau jeu de vouloir théoriser le concept de « souveraineté européenne » comme amortisseur de ce choc, les secousses qu’il provoque sont toujours bien là malgré l’énergie mise par le chef de l’Etat sur les questions européennes. Cette « grande transformation » du monde exerce une pression considérable sur les discours, les tactiques et les stratégies des acteurs politiques, mais aussi sur les attitudes politiques des citoyennes et citoyens.
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