Les relations entre François Bayrou et Emmanuel Macron ne semblent pas au beau fixe depuis la nomination du premier à Matignon vendredi dernier.
« On est dans une sorte d’échange qui ressemble à une cohabitation, un échange rude », disait un proche du Premier ministre à TF1 et LCI ce mardi, alors que le président presse son chef de gouvernement de former une équipe.
Entre les deux hommes s’engage un bras de fer pour conserver ou déplacer le centre de gravité du pouvoir de leur côté.
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François Bayrou nommé Premier ministre
« Pour l’instant, je n’ai pas vu de couple. Ou alors c’est un couple qui a commencé par une scène de ménage. Je suis incapable de dire quelle sera la nature de la relation : une cohabitation qui ne dit pas son nom ? Une collusion ? » Les mots de Marine Le Pen dans Le Parisien daté de ce mercredi 18 décembre résument les interrogations qui entourent la nature de la relation entre Emmanuel Macron et François Bayrou depuis la nomination de ce dernier à Matignon il y a cinq jours. Les vieux alliés réussiront-ils à s’entendre ? Le voudront-ils ? Aujourd’hui, ils ont du mal à cacher leurs dissensions et leur agacement.
Tout vient-il du fait que le maire de Pau s’est imposé au chef de l’État, qui avait l’intention de nommer le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, ou le ministre chargé de l’Industrie, Roland Lescure, à Matignon ? Après lui avoir signifié son refus de le nommer, puis face aux menaces de François Bayrou de retirer le soutien du MoDem au parti présidentiel, Emmanuel Macron s’est finalement résolu à faire de lui son Premier ministre. « Ils essaient encore d’éviter l’inévitable » et « de garder le pouvoir » à l’Élysée et « tout ceci va vraiment mal finir », expliquait jeudi dernier à l’AFP une source proche des consultations.
Force est de constater que très vite, François Bayrou a affirmé son indépendance vis-à-vis du président. « Je serai un Premier ministre de plein exercice et de complémentarité », prévenait-il au lendemain de sa nomination à La Tribune Dimanche, ajoutant toutefois que « ceux qui veulent écrire le récit d’un affrontement entre l’Élysée et Matignon seront démentis ». Pour les consultations qu’il a menées en début de semaine aussi, François Bayrou s’est affranchi des conseils de l’Élysée. Quand il lui avait été recommandé de mener des discussions avec tous les partis en même temps autour de la table, à l’exception de LFI et du RN, comme l’avait fait Emmanuel Macron quelques jours avant, il a préféré convoquer individuellement les présidents de groupes à l’Assemblée nationale, par ordre d’importance, commençant donc par… Marine Le Pen.
Un aller-retour à Pau qui passe mal
Auprès du président de la République, François Bayrou a aggravé son cas lundi en choisissant de se rendre à Pau pour présider un conseil municipal plutôt qu’être physiquement présent à la réunion de crise interministérielle organisée pour discuter de la crise sanitaire à Mayotte, ravagée par le cyclone Chido. Le Parisien raconte même ce mercredi matin que le Premier ministre n’a pas suivi la réunion menée par le président jusqu’au bout, s’absentant sans rien dire avant la fin pour rejoindre ses conseillers municipaux. « Le président a pété un plomb en voyant le Premier ministre se rendre en Falcon à Pau », glisse un lieutenant macroniste au quotidien.
Pendant ce temps, en plus de donner le sentiment de minimiser la gravité de la situation à Mayotte, François Bayrou semble ne pas vraiment avancer sur la composition d’un gouvernement. À la sortie de son conseil municipal, lorsque les journalistes lui demandent quel est son calendrier, il sous-entend que tout ne dépend pas de lui : « Mon échéancier, c’est cette semaine, j’espère. Mais il faut que le président soit là ».
Une petite phrase qui fait allusion aux multiples déplacements prévus du chef de l’État jusqu’à samedi, entre Bruxelles, Mayotte, Djibouti et l’Éthiopie… et qui ne passe pas rue du Faubourg Saint-Honoré. Alors pour lui rappeler qu’il a du pain sur la planche, mais aussi qui est le chef, Emmanuel Macron convoque son Premier ministre mardi matin pour lui réclamer des propositions sur son gouvernement. Les deux hommes se sont revus dans la soirée après la séance de « Questions au Premier ministre » à laquelle s’est soumis François Bayrou à l’Assemblée nationale mardi après-midi. « On va jouer à la cour de récréation visiblement. On est dans une sorte d’échange qui ressemble à une cohabitation, un échange rude. Je ne m’attends pas à ce que le gouvernement soit prêt dans la journée, mais dans la semaine, comme l’a dit le Premier ministre », résumait mardi un proche de François Bayrou à TF1 et LCI.
Condamnés à s’entendre
Ce mercredi matin sur TF1, le président des députés MoDem Marc Fesneau a évoqué « des échanges très avancés » sur la composition du gouvernement, sans s’engager sur une date pour sa nomination. Pourtant, il semblerait que les discussions patinent, Les Républicains n’étant toujours pas disposés à faire partie du gouvernement, faute de précisions sur la feuille de route du gouvernement. Les échanges entre les deux hommes sur le sujet se poursuivront ce mercredi, lors d’un nouvel entretien à l’Élysée. Qu’ils le veuillent ou non, quel que soit l’état de leur relation à l’heure actuelle, Emmanuel Macron et François Bayrou sont condamnés à s’entendre.