Livre. Il existe des répliques au réchauffement climatique. Il est possible de répondre à ses turbulences, pour en atténuer la violence. Une petite révolution mériterait même de gagner les rivières pour « rendre l’eau à la terre », comme l’assure le philosophe Baptiste Morizot dans le titre du livre qu’il a cosigné avec Suzanne Husky (Actes Sud, 352 pages, 28 euros). Cet intellectuel « de terrain » propose une alliance entre les humains et le « peuple castor » afin de régénérer les cours d’eau, lutter contre l’assèchement et les inondations. Comment transformer en allié un animal longtemps considéré comme nuisible ? De quelle manière s’associer avec un rongeur, certes loué pour son caractère industrieux, mais éradiqué en Amérique du Nord pour sa fourrure imperméable et chassé en Europe pour fournir aux parfumeurs le castoréum, sécrétion à l’odeur de musc qui lui sert à marquer son territoire ?
Il faut tout d’abord partir du constat. Le niveau des cours d’eau baisse, les nappes phréatiques régressent. Les agriculteurs n’arrivent plus à irriguer leurs champs, les crues violentes dévastent des cultures ou des quartiers entiers. Les guerres de l’eau sont déclarées, comme en témoignent les affrontements, à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), autour des mégabassines. Il faut ensuite rappeler que notre civilisation s’est largement construite dans le lit des rivières. Afin d’ériger les villes, les rivières ont été réduites, corsetées, endiguées. « Nous avons transformé les rivières immémoriales, qui couraient à fleur de terre en méandres et en tresses, en canaux de drainage monochenalisés, incisés, rectilignes, déconnectés de la terre, voués à favoriser la plus grande efficacité dans l’acheminement de l’eau loin des terres, vers la mer », écrit Baptiste Morizot.
Le philosophe ne cherche pas à revenir en arrière, mais à trouver les moyens de réhydrater la terre. La déconnexion des rivières à leurs plaines alluviales a conduit à « une sécheresse hydrologique structurelle ». La rivière est chétive, exsangue, malade. Mais il est possible de la soigner. Mieux, de contribuer à l’autoguérison de son milieu. En s’inspirant, loin des pelleteuses, d’un animal qui a montré son efficacité depuis huit millions d’années.
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