Les Etats-Unis ont annoncé, jeudi 16 janvier, des sanctions contre le chef de l’armée soudanaise (FAS), le général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, et admis leur impuissance à mettre fin au conflit qui ravage ce pays d’Afrique de l’est. Quelques jours plus tôt, des mesures similaires avaient été prises contre Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », chef des paramilitaires du camp adverse, regroupé au sein des Forces de soutien rapide (FSR).
Les sanctions américaines annoncées par l’Office of Foreign Assets Control du département du Trésor ont pour effet de geler les avoirs éventuels aux Etats-Unis des personnes concernées et interdisent toute transaction avec elles.
« Les forces armées soudanaises d’Al-Bourhane ont commis des attaques meurtrières contre des civils, notamment des frappes aériennes contre des infrastructures protégées telles que des écoles, des marchés et des hôpitaux », a déclaré le secrétaire adjoint au Trésor, Wally Adeyemo. « Les forces armées soudanaises sont également responsables du refus systématique et intentionnel de l’accès à l’aide humanitaire, utilisant la privation de nourriture comme tactique de guerre », précise le communiqué.
La veille, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme s’était dit « choqué » par les informations faisant état de « tueries à caractère ethnique » dans l’Etat d’Al-Jazira, au centre du Soudan. Et tout particulièrement à Wad Madani, la capitale de cet Etat reprise quelques jours plus tôt par l’armée soudanaise. L’ONU demande une enquête.
Probablement du chlore gazeux
Les nouvelles sanctions interviennent plus d’un an après que le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, a établi que des membres des forces armées avaient commis des crimes de guerre. « Depuis lors, les membres des forces armées soudanaises, sous la direction d’Al-Bourhane, ont continué à commettre des atrocités, notamment en prenant pour cible des civils et des infrastructures civiles et en exécutant des civils », a déclaré M. Blinken dans un communiqué publié jeudi.
Ce même jour, une enquête du New York Times, révélait ainsi que « les FAS ont utilisé des armes chimiques à deux reprises au moins contre le groupe paramilitaire qu’elle combat pour prendre le contrôle du pays ». Selon le quotidien américain qui s’appuie sur le témoignage de quatre responsables américains tenus à l’anonymat, « les armes ont été déployées récemment dans des régions reculées du Soudan et visaient des membres des (…) paramilitaires [des FSR] ».
Toutefois, « les Etats-Unis ont obtenu des informations selon lesquelles des armes chimiques pourraient bientôt être utilisées à Bahri, dans le nord de Khartoum, où des batailles féroces ont fait rage ces derniers mois alors que les deux parties se disputent le contrôle de la capitale », écrivent les journalistes
L’utilisation des armes chimiques, probablement du chlore gazeux, n’est pas mentionnée dans le communiqué annonçant les sanctions. Mais, selon The New York Times, citant plusieurs responsables américains, cela a constitué « un facteur clé » dans la décision prise contre le général Al-Bourhane. « La connaissance du programme d’armes chimiques au Soudan était limitée à un petit groupe au sein de l’armée du pays, [mais] il était clair que le général Al-Bourhane avait autorisé leur utilisation », rapporte le quotidien.
« Plus grande crise humanitaire actuelle au monde »
Le ministère soudanais des affaires étrangères a qualifié d’« immorales » les sanctions contre le chef de l’armée, estimant que Washington « soutient ceux qui commettent un génocide » sous couvert de neutralité.
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Cette référence au « génocide » renvoie aux sanctions appliquées, dans cet autre cas, à Mohammed Hamdan Daglo, le chef des forces paramilitaires. Les Etats-Unis ont affirmé avoir établi que les FSR ont commis des actes génocidaires au Darfour, province occidentale du Soudan. Dans le même temps, les Etats-Unis avaient également sanctionné sept entreprises basées aux Emirats arabes unis qui ont vendu des armes aux paramilitaires.
Jeudi, outre le général Al-Bourhane, le Trésor américain a pris des mesures contre un ressortissant soudano-ukrainien, Ahmad Abdalla, accusé, quant à lui, de fournir des armes à l’armée soudanaise, ainsi que contre la société Portex Trade Limited, basée à Hongkong.
« Prises ensemble, ces sanctions soulignent l’opinion des Etats-Unis selon laquelle aucun des deux hommes n’est apte à gouverner un futur Soudan pacifique », a estimé Antony Blinken. A quelques jours de la fin de mandat de l’administration de Joe Biden, le secrétaire d’Etat, fortement impliqué dans le dossier soudanais, a exprimé de « vrais regrets » de ne pas avoir réussi à mettre fin au conflit. Il a cependant souligné que « les Etats-Unis restent déterminés à demander des comptes aux responsables des atrocités commises au Soudan et à soutenir une transition démocratique et civile ».
Depuis que la guerre a éclaté en avril 2023, quelque 150 000 personnes ont été tuées et treize millions de personnes ont été déplacées par les violences. Ce que les Nations unies qualifient de « plus grande crise humanitaire actuelle au monde ».