Les images laissent pantois : le feu qui frappe Los Angeles (Californie) depuis le 7 janvier paraît inarrêtable. Les télévisions en continu et les réseaux sociaux diffusent sans cesse les mêmes scènes de dévastation. Et les commentaires d’insister sur l’exceptionnalité du phénomène : « Qui aurait pu imaginer cela ? » Pacific Palisades et Hollywood en feu ? Incroyable !
En vérité, la question qui devrait être posée est tout autre : comment n’a-t-on pas voulu (ici comme ailleurs) entendre les alertes, anticiper, se préparer ? Car toutes les conditions étaient réunies depuis longtemps pour qu’une telle séquence advienne. Plus encore, comment ne pas saisir que cet événement est désormais appelé à être moins exceptionnel que normal et ordinaire et qu’il témoigne de l’extrême fragilisation de nos habitats humains, qu’on peut observer partout, à l’échelle terrestre ?
Dans cette Californie connaissant une expansion urbaine et suburbaine tous azimuts, fondée sur le droit sacré de construire sa maison en quelque condition que ce soit, au mépris de toute précaution, sur la valorisation de la spéculation immobilière, sur le développement effréné des activités, sur la primauté absolue des mobilités routières, sur la débauche énergétique, sur la surconsommation des ressources en eau (alors que le climat sec et chaud est en cours d’aridification, plus marquée encore en raison du réchauffement climatique), de tels embrasements étaient assurés.
Et ce d’autant plus qu’à Los Angeles, depuis plus d’un siècle et demi, la constance de l’incendie dévastateur est patente. En 1993, un épisode particulièrement sévère concerna Malibu. Mike Davis [historien et géographe californien] y consacra en 1995 un article : « The case for Letting Malibu Burn » [« pourquoi il faut laisser Malibu brûler »], dans lequel il examine l’histoire des feux récurrents à Malibu et dans ses environs, et souligne l’accroissement régulier de leur potentiel d’endommagement en raison de la croissance urbaine. Il montre aussi comment ces désastres expriment et accentuent les inégalités sociales. Les populations les plus riches voient en général leurs quartiers mieux pris en considération dans la lutte contre les flammes que les plus pauvres. Elles consacrent également des moyens importants pour recruter des « pompiers privés ». En ce début 2025, on a vu la même chose, cependant, des secteurs huppés n’ont pas échappé à la combustion et, là, soudainement, c’est comme si la catastrophe était devenue réelle, tangible !
Il vous reste 60.34% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.