Le crapaud masqué n’est pas un amphibien comme les autres. Passons sur son nom commun, quelque peu usurpé : il faut une certaine imagination pour déceler, dans les crêtes noires qui passent entre ses deux yeux, le dessin d’un accessoire de carnaval ou de justicier. Ce mystérieux patronyme sonne pourtant mieux que Duttaphrynus melanostictus, son nom scientifique, et n’est sans doute pas pour rien dans sa renommée.
Car celle-ci est grande. Dans toute l’Asie, des montagnes du Pakistan aux forêts indonésiennes, en passant par les plaines chinoises, le crapaud masqué est une star. En Chine, le venin qu’il sécrète alimente depuis des siècles la pharmacopée locale. Dans le sud et le nord-est de l’Inde, à l’heure des grandes sécheresses, les villageois les parent de tenues impériales pour des cérémonies de mariage censées séduire les dieux des pluies.
A Madagascar ou dans les îles de Wallacée, en revanche, leur arrivée récente, dans les soutes et les bagages des humains, sème la terreur. Opportunistes et invasifs, ils ont commencé à décimer certains prédateurs – reptiles, oiseaux, mammifères – dont l’organisme n’est pas préparé à accueillir ces toxines. Dans les îles de Wallacée, on s’inquiète pour l’avenir de l’iconique dragon de Komodo. Si bien qu’en Australie, où un autre batracien, le crapaud buffle, a déjà semé la désolation, notre vengeur masqué figure sur la liste noire des espèces à détecter en priorité lors des examens à la frontière.
Il vous reste 63.09% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.