Chez les amoureux du dessin de presse, un événement a retenu l’attention. Le 4 janvier, une dessinatrice travaillant pour le Washington Post, Ann Telnaes, a démissionné après que le quotidien a refusé de publier une de ses caricatures. On y voyait des figures de la tech américaine, dont Jeff Bezos, propriétaire du Post, apporter leur offrande au pied d’une statue de Donald Trump. Presque dix ans jour pour jour après l’attentat contre Charlie Hebdo, cette affaire au retentissement mondial apparaît comme une énième illustration des menaces qui pèsent sur le dessin de presse, dont certains annoncent même la disparition. Pourtant, plusieurs dessinateurs de renom, interrogés par « Le Monde des livres » sur l’avenir de leur métier, se montrent beaucoup moins pessimistes.
Ainsi de Patrick Chappatte, pilier du Temps, en Suisse, qui a longtemps collaboré au New York Times et qui est un ami d’Ann Telnaes : « Dans le cas d’Ann, le chef des pages Opinions s’est soumis par anticipation. La censure marche comme ça : on anticipe la pression venue d’en haut. Mais ce qu’Ann a déclenché par sa démission dit la puissance d’un individu qui fait un acte fort face à une institution. Et l’immense soutien qu’elle a reçu montre qu’on a plus que jamais besoin du dessin de presse. D’où cette situation paradoxale : jamais il n’est autant apparu comme un rempart de la liberté, et jamais il n’y a eu aussi peu de rédacteurs en chef prêts à le publier. La charge symbolique dont on l’investit est aussi immense que sa vulnérabilité. »
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