La commission d’instruction a annoncé, jeudi 23 janvier, que la requête en révision de Dany Leprince, qui souhaite obtenir l’annulation de sa condamnation à la prison à perpétuité pour les meurtres de son frère, de sa belle-sœur et de deux de ses nièces en 1994 dans la Sarthe, est transmise à la Cour de révision.
La commission s’est appuyée sur deux faits nouveaux ou inconnus, à savoir les déclarations de la fille aînée de Dany Leprince, Célia, et la crédibilité apportée à l’époque aux propos de Solène, 2 ans et seule rescapée de la tuerie, pour motiver la recevabilité de cette requête, selon les déclarations du président de cette commission lors d’une audience publique.
Dany Leprince, visiblement ému, a enlacé ses proches à l’énoncé de la décision. « Le combat n’est pas terminé », a-t-il dit devant la presse. « J’y ai toujours cru », mais « il faut rester prudent », a ajouté l’homme, désormais âgé de 67 ans. Depuis trente ans, il clame son innocence.
« Le boucher de la Sarthe »
Le 4 septembre 1994, son frère Christian Leprince, sa femme et deux de leurs filles, Audrey, 6 ans, et Sandra, 10 ans, ont été retrouvés massacrés à l’arme blanche dans leur pavillon de Thorigné-sur-Dué (Sarthe). Solène, 2 ans, était la seule rescapée. Accusé par son épouse Martine Compain – dont il est depuis divorcé – et sa fille aînée Célia, Dany Leprince avait avoué lors de sa garde à vue avoir tué son cadet, sans évoquer les trois autres victimes.
Il s’était rapidement rétracté, affirmant que ses aveux avaient été extorqués par les enquêteurs. Celui qui fut surnommé « le boucher de la Sarthe » a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec 22 ans de sûreté en 1997 pour ce quadruple meurtre par la cour d’assises.
La commission d’instruction s’est appuyée sur les déclarations de Célia, qui, au regard d’une remise en situation réalisée en 2023 sur les lieux, se sont révélées être incompatibles avec la topographie des lieux. Les juges ont également soulevé la crédibilité accordée à l’époque aux propos de Solène, âgée seulement de 2 ans. Estimant que ces deux séries de faits étaient suffisantes pour déclarer la requête de Dany Leprince recevable, la commission n’a pas examiné les autres éléments soulevés par la défense, a précisé le président.
« C’est une grande victoire qui ouvre la voie à la reconnaissance de l’innocence de Dany Leprince », a réagi son avocat, Olivier Morice, qui le défend avec Missiva Chermak-Felonneau. Le dossier sera donc transmis au président de la Cour de révision. Après avoir examiné le dossier, dans un délai d’un an à un an et demi, s’il estime la demande fondée, il prononcera l’annulation de la condamnation et ordonnera un nouveau procès. Ou bien la Cour de révision rejettera la requête.
Refus d’une première requête en révision en 2006
C’est la deuxième fois que Dany Leprince saisit la Cour pour obtenir son innocence. Après le rejet de son pourvoi en cassation en 1999 – la possibilité de faire appel d’une condamnation par une cour d’assises n’est possible en France que depuis 2000 – il avait déposé une première requête en révision en 2006. Mais la Cour de révision avait refusé en 2011 la tenue d’un nouveau procès.
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Dans un mémoire de 200 pages, en appui de cette requête, ses avocats ont listé une vingtaine de « faits nouveaux et d’éléments inconnus de la juridiction de jugement de nature à établir son innocence ou à faire naître un doute sur sa culpabilité ». Parmi ces éléments figurent notamment le rôle de Mme Compain le soir des faits, sa personnalité et ses « multiples revirements ». Dans une information judiciaire ouverte en 2014 au Mans, après une plainte du père des fils Leprince pour meurtre et complicité, Martine Compain a été placée sous le statut plus favorable de témoin assisté par la juge d’instruction. Mais le parquet réclame sa mise en examen. L’audience à la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Angers n’a pas encore été fixée.
La défense s’appuie également sur une lettre envoyée en avril 2024 à la commission d’instruction par Solène, 32 ans aujourd’hui, révélant avoir « de sérieux doutes quant à la culpabilité » de son oncle, « au regard des nombreuses incohérences » du dossier. Elle dit souhaiter « ardemment qu’un nouveau procès puisse avoir lieu pour rechercher la vérité ».
Après 17 ans de détention, Dany Leprince a obtenu une libération conditionnelle en 2012 et n’est plus sous contrôle judiciaire depuis 2021. Les révisions de condamnations pénales restent rares en France : seules une dizaine de requêtes ont abouti depuis 1945 dans des affaires de meurtre ou de viol.