FRANCE 4 – SAMEDI 25 JANVIER À 22 H 10 – FILM
Que n’a-t-on jamais dit, montré ou raconté sur les amours adolescentes. Un garçon et une fille se plaisent, se tournent autour et finissent par s’embrasser – la routine habituelle. Paul Thomas Anderson renouvelle pourtant le genre au-delà de toute attente dans ce film allègre et virevoltant. Rarement le cinéma américain récent, hanté par le spectre de son propre déclin, avait fait preuve d’une telle capacité d’euphorie.
C’est dans le Los Angeles des années 1970 que se déroule Licorice Pizza – qui tire son titre de l’enseigne d’une ancienne chaîne de disquaires du Sud californien −, plus précisément dans la vallée de San Fernando, sorte de village dans la ville, où l’auteur a grandi.
Le coup de génie du film commence dès son casting. Anderson confie les deux rôles principaux à des débutants, inconnus du grand public. Le cinéaste fait œuvre de peintre, usant de toute sa palette afin de mieux couvrir le spectre expressif de ses deux modèles. A travers eux, il mise sur des physionomies atypiques, résolument non formatées, dont l’irrégularité contient en elle-même toute la fragilité et la primeur de l’adolescence.
Playlist radieuse
Cooper Hoffman, fils du comédien Philip Seymour Hoffman (1967-2014), incarne Gary Valentine, lycéen qui use de tout son aplomb pour inviter à dîner l’assistante du photographe scolaire, Alana Kane (Alana Haim, chanteuse du groupe pop Haim, dont le cinéaste a réalisé la plupart des clips). Lui a 15 ans, elle, 25, mais tous deux ont en partage un même territoire d’adolescence.
Le film évite la fadeur de la bluette comme les clichés du romantisme. Dès leur rencontre, les deux se cherchent des noises, communiquent par sarcasmes, rivalisent de défis et de provocations. Quelque chose fait malgré tout son chemin entre eux, au gré de leurs rencontres et aventures, dans une ville qui pullule de possibles. Il leur faudra en passer par toutes sortes de prétendants et épuiser toutes les impasses amoureuses pour enfin se rendre l’un à l’autre.
Anderson tient la chronique de cette relation au long cours à grands coups de travellings filés et majestueux dans les rues ensoleillées de Los Angeles, où les gamins courent, conduisent en sens inverse, regorgent d’élans et de combines. La naissance de l’amour, sans cesse relancée par une playlist radieuse (The Four Tops, Wings, Clarence Carter, David Bowie), coïncide ici avec l’ère d’un capitalisme joyeux et décomplexé, juste avant que celui-ci fonce dans le mur du choc pétrolier de 1973.
En prêtant sa propre jeunesse à de jeunes acteurs éblouissants, le cinéaste signe son film le moins grinçant, et sans doute le plus beau : une fugue lumineuse et aérienne.
Licorice Pizza, film de Paul Thomas Anderson. Avec Alana Haim, Cooper Hoffman, Sean Penn, Bradley Cooper, Benny Safdie (EU, 2022, 133 min).