Le 30 décembre 2024, le pouvoir afghan promulgue un décret obligeant à murer les fenêtres des maisons d’où les femmes peuvent être vues de l’extérieur, décision succédant à celle d’interdire aux femmes de hausser la voix en public, entre autres décrets liberticides depuis 2021. Les femmes afghanes ne pourront plus ouvrir grande une fenêtre donnant sur le dehors pour faire entrer l’air et la lumière, hurler « au feu ! » ou « à l’aide ! » ou faire « coucou ! » à la voisine.
Dans les pièces sur rue aux fenêtres murées, l’obscurcissement gagne, l’oxygène se raréfie, et, aussi, l’horizon disparaît : pour ne plus voir les femmes, on les aveugle. Et dans le chez-soi assombri, elle touche le fond d’un puits. Un puits d’invisibilité, une fosse, une oubliette. Car le dehors est toujours plus vaste, historique, contemporain, intéressant sur la place publique que dans les cours privées : une fenêtre grande ouverte sur le monde permet de respirer un peu l’air du temps.
Le système de persécution d’Etat à l’œuvre tend non seulement à éliminer les femmes de la société en tant qu’actrices économiques et politiques, mais aussi à effacer la différence visible du genre féminin comme sphère d’images. En Iran, le pouvoir des mollahs séniles et sanguinaires incarcère, torture, pend en masse les jeunes opposantes et opposants pour maîtriser la révolte sociale grondante, mais il ne peut empêcher la mixité partout dans l’espace public et dans de nombreux secteurs professionnels. En Afghanistan, cependant, la mixité disparaît du champ social.
Deux niveaux de persécution législative peuvent être distingués depuis le retour des talibans [15 août 2021]. Le premier multiplie les interdits liberticides qui concernent les droits humains fondamentaux (santé, éducation, égalité économique, professionnelle, de présence, d’expression, de circulation dans le monde physique et social, etc.). La croyance religieuse pose leur inégalité comme ontologique et de naissance : inférieures, leurs vies ne valent pas plus que leurs morts.
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