Une information judiciaire a été ouverte à la Cour de justice de la République (CJR) pour faux témoignage contre Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui avait récusé tout lien personnel avec une lobbyiste des crèches privées, a annoncé vendredi 31 janvier le procureur général près la Cour de cassation.
Ces investigations, lancées mardi, font « suite à un signalement émanant du bureau de l’Assemblée nationale » après « des déclarations faites sous serment devant une commission d’enquête parlementaire le 30 avril 2024 », précise dans un communiqué Rémy Heitz, qui exerce les fonctions de ministère public à la CJR.
Le 23 janvier, la commission des requêtes de la CJR, qui filtre les plaintes et signalements, « a émis un avis favorable à la saisine de la commission d’instruction de cette Cour pour instruire contre Mme Aurore Bergé, en sa qualité de ministre, du chef de faux témoignage », précise le procureur général. M. Heitz a donc saisi, mardi, « la commission d’instruction de cette Cour afin qu’une information judiciaire soit diligentée sur les faits signalés », est-il ajouté dans le communiqué. Cette commission d’instruction, composée de trois magistrats, agit comme un juge d’instruction et va donc enquêter.
Des députés de La France insoumise et du groupe Ecologiste et social avaient demandé que le bureau de l’Assemblée nationale, la plus haute instance exécutive de la chambre composée de vingt-deux députés (à majorité à gauche), engage une « procédure pour parjure » contre Aurore Bergé. Après un vote de dix voix contre neuf, le 9 octobre 2024, le bureau de l’Assemblée nationale avait saisi la justice. Les députés de gauche suspectaient la ministre d’avoir passé sous silence des relations avec les lobbys devant une commission d’enquête parlementaire sur le modèle économique des crèches.
Aucun lien « personnel, intime ou amical, ni d’accointances »
Auditionnée par une commission d’enquête sur le modèle économique des crèches le 30 avril 2024, Aurore Bergé, alors ministre en charge de l’égalité, avait affirmé sous serment n’avoir aucun lien « personnel, intime ou amical, ni d’accointances » avec la déléguée générale de la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC), Elsa Hervy.
Dans son livre Les Ogres, paru en septembre 2024, sur les dérives de certains groupes privés, le journaliste Victor Castanet évoquait pourtant un « pacte de non-agression » qui aurait été conclu entre Mme Bergé, alors ministre des familles – de juillet 2023 à janvier 2024 – et cette lobbyiste. Aurore Bergé avait annoncé, en octobre 2024, avoir déposé plainte pour diffamation contre Victor Castanet après la publication de cet ouvrage. En réponse, le journaliste avait rendu publics des documents attestant selon lui d’« une entente entre Aurore Bergé et Elsa Hervy ».
L’un de ces documents est un courriel adressé le 8 août 2023 par la ministre à sa directrice de cabinet, où elle dit à propos de Mme Hervy : « C’est surtout une copine 🙂 Elle sera très aidante avec moi ». Selon Victor Castanet, qui a publié une capture d’écran de messagerie, Mme Bergé a qualifié les membres de la FFEC de « meilleurs alliés ». Enfin, dans un troisième message, Elsa Hervy écrit à une personne identifiée par le journaliste d’investigation comme un collaborateur de la ministre : « J’obéis », en parlant de la mise en place d’un plan de communication. Mme Bergé avait déposé une plainte pour le vol de sa correspondance et une enquête est en cours depuis le 22 octobre 2024 à Paris.
Issue du parti Les Républicains, Aurore Bergé a été ministre des solidarités et des familles, puis chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le gouvernement de Gabriel Attal. Absente du gouvernement de Michel Barnier, elle a retrouvé le ministère de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations dans celui de François Bayrou.
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La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions.