Ce mardi 4 février marque la journée nationale de lutte contre le cancer.
À cette occasion, le Pr Éric Solary, médecin-chercheur et vice-président de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, revient sur les dernières avancées médicales.
Des avancées « prometteuses »… pour une maladie de plus en plus fréquente. Alors que se tient ce mardi 4 février la journée nationale de lutte contre le cancer, les dernières données ne sont guère réjouissantes. Plusieurs études publiées ces derniers mois ont montré que les moins de 40 ans étaient de plus en plus touchés par cette pathologie. Entre 1990 et 2019, le taux de cancers a ainsi quasiment doublé (+80%) dans cette tranche d’âge dans le monde.
Dans le même temps, la recherche médicale avance et est porteuse d’espoirs. Auprès de TF1info, le professeur Éric Solary, médecin-chercheur et vice-président de la Fondation ARC (nouvelle fenêtre), explique que les cancers les plus fréquents, comme celui du sein ou de la prostate, sont de mieux en mieux pris en charge, tandis que le taux de guérison devrait encore grimper dans les années à venir. Entretien.
Plusieurs études publiées ces derniers mois montrent que les moins de 40 ans sont de plus en plus touchés par le cancer. Comment l’expliquer ?
Pr Éric Solary : Comprendre l’augmentation de ces cancers prématurés est l’une des principales préoccupations de la recherche médicale, mais nous ne savons pas encore l’expliquer. Cette observation est valable pour les cancers de la sphère digestive, notamment le pancréas, le foie, mais aussi la thyroïde, le rein, le poumon… Cela laisse supposer qu’il y a un facteur d’exposition à quelque chose, mais à quoi ? La question est toujours ouverte.
La moitié des femmes de plus de 50 ans ne se font pas dépister contre le cancer du sein
La moitié des femmes de plus de 50 ans ne se font pas dépister contre le cancer du sein
Pr Éric Solary à TF1info
Chez la femme, le cancer du sein reste le plus fréquent. Sait-on de mieux en mieux le soigner ?
Nous le dépistons surtout mieux qu’avant, grâce à une politique publique de prévention. C’est un vrai facteur de progression pour la guérison. Malheureusement, encore aujourd’hui, plus de la moitié des femmes n’utilisent pas l’opportunité du dépistage systématique dès 50 ans, tous les deux ans, par mammographie. Nous savons aussi de mieux en plus le traiter : la survie à cinq ans est de l’ordre de 88%, ce qui signifie contrôle de la maladie, et pas forcément guérison. Mais c’est un cancer qui tue encore, il y a plusieurs milliers de décès par an. Certaines formes particulières restent difficiles à traiter.
Chez l’homme, il s’agit du cancer de la prostate. Quelles sont les chances de guérison ?
C’est un cancer qui évolue souvent lentement. À cinq ans, les chances de survie sont au-dessus de 90%. Des formes plus sévères restent, pour ce cancer aussi, difficiles à contrôler. La recherche médicale permet tout de même des progrès, notamment technologiques, avec une chirurgie robotisée, plus précise. En radiothérapie, les progrès permettent également de diminuer les effets secondaires. Et nous avons des médicaments de plus en plus efficaces pour contrôler l’évolution de la maladie.
Nous pourrions avoir des vaccins thérapeutiques dans la décennie à venir
Nous pourrions avoir des vaccins thérapeutiques dans la décennie à venir
Pr Éric Solary à TF1info
Outre ces deux cancers, quels sont ceux pour lesquels la progression médicale est la plus grande ?
La recherche avance sans arrêt. Tous les ans, nous trouvons de bonnes combinaisons pour des petits groupes de patients atteints d’une forme bien spécifique de cancers. Avec le développement des immunothérapies, les résultats sont par exemple spectaculaires dans la lutte contre les cancers de la peau, y compris dans les formes les plus graves : certaines étaient constamment mortelles il y a dix ou quinze ans, aujourd’hui, des patients survivent plus de dix ans, sans récidive. Nous nous approchons de guérison de maladies autrefois incurables. Autre exemple : le cancer du poumon. Grâce à l’immunothérapie et un développement en cours d’une politique publique de dépistage, ce cancer reste sévère et très fréquent, mais il y a des progrès.
Un vaccin contre le cancer a toujours été une progression médicale attendue. Est-ce un mythe ou une vraie perspective ?
C’est une réelle perspective. Il y a d’abord le vaccin préventif pour diminuer le risque. C’est déjà le cas pour les enfants contre le HPV – ce que nous ne faisons pas assez en France – ou la vaccination contre l’hépatite B, qui protège contre les cancers du foie. La deuxième voie de recherche concerne les vaccins thérapeutiques : le vaccin stimule les défenses de l’organisme d’une personne atteinte d’un cancer afin de l’éliminer. C’est en plein développement, il existe énormément d’essais thérapeutiques à travers le monde, avec différentes formules. Cela avance de façon très prometteuse. Nous pourrions avoir des vaccins thérapeutiques dans la décennie à venir.
Avec une telle avancée, quelles seront les perspectives de survie d’un patient atteint d’un cancer ?
Elles ne cesseront de progresser. Aujourd’hui, nous guérissons environ 60% des cancers. Nous devrions être à 75% en 2035-2040, selon nos projections à la Fondation ARC. Les progrès sont réalisés par petites touches, ce n’est pas toujours spectaculaire, mais c’est globalement efficace. Surtout, tout ce qui concerne la prévention et le dépistage est extrêmement important pour nous. Il faut aussi que la recherche progresse dans ce domaine.