L’attaque a traumatisé l’institution policière, mais elle se conclut par un non-lieu : l’assaillant radicalisé Mickaël Harpon, qui a tué à la fin de 2019 quatre membres du personnel de la Préfecture de police de Paris (PP) avant d’être abattu, a agi seul, ce qui rend la tenue d’un procès impossible, selon les juges.
Le 3 octobre 2019, cet agent de la PP employé à la très sensible direction du renseignement de la Préfecture de police de Paris, a agi pendant la pause déjeuner dans le centre névralgique de la police parisienne, sur l’île de la Cité.
En sept minutes, l’informaticien de 45 ans, en poste à la Préfecture de police de Paris depuis 2003, a tué au couteau deux policiers âgés de 38 et 50 ans, une policière de 39 ans, ainsi qu’un agent administratif de 37 ans. L’homme, né en Martinique et qui résidait dans le Val-d’Oise, en banlieue parisienne, s’était converti à l’islam une dizaine d’années plus tôt. Il était père de deux enfants.
« Le lien entre les faits commis et l’entreprise terroriste ne fait aucun doute, dès lors que l’intéressé » a agi « au terme d’une radicalisation religieuse », estiment les juges dans leur ordonnance du 24 janvier, dont l’Agence France-Presse a eu connaissance mardi. Des membres des parties civiles ont dénombré « dix-sept » signaux de radicalisation qui auraient dû alerter son entourage ou les autorités. Juste avant les faits, il avait acheté deux couteaux, un de cuisine et un à huîtres, et effectué une recherche sur Internet à l’aide de son téléphone en tapant « tuer des infidèles », d’après des éléments de l’enquête. Sa femme a raconté qu’au matin de la tuerie il avait dit : « Allah m’a envoyé un signe dans la nuit. Protège les enfants. »
Ses collègues ont, quant à eux, signalé à leur hiérarchie que M. Harpon ne voulait plus faire « la bise » aux femmes, aurait « banalisé » la mort des journalistes de Charlie Hebdo dans l’attentat de janvier 2015 ou « s’énervait dès qu’il était question de religion », jusqu’à « mimer un geste d’égorgement », selon l’un d’eux. Atteint de surdité, il se disait victime de discrimination au travail, d’après ses proches et ses collègues.
« Failles »
Après le drame, le ministre de l’intérieur de l’époque, Christophe Castaner, avait admis des « failles » et la question de complicités éventuelles avait été soulevée. L’épouse de Mickaël Harpon et cinq proches ont été placés en garde à vue, mais aucun n’a été poursuivi.
Pour les juges, les nombreux actes d’investigation « n’ont pas permis de montrer » que M. Harpon avait « été aidé par quiconque dans le cadre de la préparation ou de la commission des faits ». Les deux magistrats antiterroristes écartent en particulier toute responsabilité pénale d’un commandant de police, chef du service où travaillait Mickaël Harpon, qui avait été montré du doigt par les parties civiles.
Les magistrats confirment dans leur ordonnance que les actes de l’assaillant ont « pu se nourrir des ressentiments éprouvés par l’intéressé, confiant aux uns ou aux autres son sentiment d’être mal apprécié, en lien avec son handicap, sa couleur de peau ou sa religion ».
« S’il a été établi sans aucun doute possible que Mickaël Harpon était radicalisé depuis plusieurs mois et a commis un acte de terrorisme d’une gravité exceptionnelle au nom de l’idéologie islamiste, le non-lieu laisse forcément un goût amer pour mes clients, qui n’obtiendront jamais justice », a réagi Pauline Ragot, qui défend une vingtaine de parties civiles. Si elle reconnaît que « l’enquête a été faite de façon exhaustive », elle évoque « une déception immense pour les victimes survivantes et les familles des policiers assassinés, à la hauteur de l’horreur du drame ».
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Après cet acte inédit, survenu trois ans après l’assassinat d’un couple de policiers à Magnanville, Emmanuel Macron avait appelé la nation à combattre « l’hydre islamiste ». Six mois plus tard, une commission d’enquête parlementaire avait proposé un arsenal de mesures pour répondre aux « failles » de sécurité. Mardi, un homme a été interpellé à Paris après s’être attaqué pour des raisons encore inconnues à trois policiers qu’il a blessés légèrement, devant ce même bâtiment de la PP.