Une enquête sur le fonctionnement du réseau social X a été ouverte à Paris, selon les informations de Franceinfo, confirmées au Monde par le parquet de Paris. Dans le viseur des enquêteurs français : le fonctionnement des algorithmes du réseau social, « susceptibles d’avoir faussé le fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données ». L’enquête a été confiée à la section de lutte contre la cybercriminalité (J3) du parquet de Paris, dont « les magistrats et assistants spécialisés (…) procèdent aux premières vérifications techniques », a précisé le parquet.
L’ouverture de cette enquête fait suite au signalement effectué, le 12 janvier, par le député (Renaissance) des Côtes-d’Armor Eric Bothorel. Dans son courrier, auquel Le Monde a pu avoir accès, le parlementaire exprimait « [s]es vives inquiétudes concernant les récents changements d’algorithmes sur la plateforme (Twitter) X, ainsi que les ingérences apparentes dans sa gestion depuis son acquisition par Elon Musk ». Un second signalement similaire, dont l’existence a été révélée par Le Canard enchaîné et que Le Monde a pu consulter, a également été effectué par un directeur de la cybersécurité travaillant dans la fonction publique, qui dénonce des changements de l’algorithme de X ayant entraîné une surreprésentation de « contenus politiques nauséabonds ».
Au cœur de cette enquête s’inscrit une innovation juridique. Le signalement effectué par M. Bothorel s’appuie largement sur une analyse récente, publiée ce 6 février par le juriste et professeur de droit Michel Séjean. Ce dernier argue, dans la revue spécialisée Dalloz, qu’en droit français, fausser le fonctionnement d’un algorithme de recommandation sur un réseau social peut être passible des mêmes sanctions qu’un piratage informatique. Selon cette analyse, le fait de manipuler, à l’insu des utilisateurs, l’algorithme d’une plateforme, serait sanctionnable par l’article 323-2 du code pénal, qui punit « le fait d’entraver ou de fausser le fonctionnement d’un système de traitement automatisé des données ». Un texte jusqu’à présent utilisé exclusivement pour sanctionner les vols de données et d’autres formes de piratages informatiques.
Or, X est soupçonné d’avoir, depuis son rachat par Elon Musk, procédé à des modifications de ses algorithmes pour mettre davantage en avant certains contenus – notamment les messages d’Elon Musk. Le 9 janvier, l’eurodéputée française Aurore Lalucq avait elle aussi fait un signalement concernant le réseau social, cette fois auprès de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et sur la base du Digital Services Act. Elle évoquait une possible manipulation de l’algorithme de recommandation de la plateforme par son propriétaire « pour favoriser la propagation de ses propres messages, au détriment des contenus de ses usagers et au service de ses intérêts personnels et de ses idées ».
Elon Musk invité à Paris
Plus largement, le réseau social est aussi soupçonné par la Commission européenne d’avoir manipulé, par le biais de son système de recommandation de contenus, « le débat public en Europe ». Une enquête est ouverte au niveau européen, alors que M. Musk multiplie depuis plusieurs mois les messages et actions de soutien à plusieurs formations d’extrême droite européennes, et notamment au parti Alternativ für Deutschland (AfD), crédité de très bons sondages pour les législatives prévues le 23 février prochain.
L’ouverture de l’enquête française intervient alors que va commencer à Paris, le 10 février, le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, auquel le président de X, Elon Musk, est convié – mais sa présence n’a pas encore été confirmée.
Fin août 2024, le patron de la messagerie Telegram, Pavel Durov, avait été interpellé à son arrivée à l’aéroport du Bourget, près de Paris. M. Durov était soupçonné d’une série de délits portant principalement sur l’absence de collaboration de sa plateforme avec les forces de l’ordre et des manquements dans sa modération. Dans ce dossier, coordonné par la section J3 du parquet de Paris, M. Durov a été mis en examen le 28 août et a l’interdiction de quitter le territoire français dans l’attente de son procès.