La Namibie a perdu l’une de ses grandes figures politiques. L’ancien président Sam Nujoma, qui a officié de 1990 à 2005, et considéré comme le père de l’indépendance du pays est mort samedi 8 février, à l’âge de 95 ans. « Notre Père fondateur a vécu une vie longue et déterminante au cours de laquelle il a servi de manière exceptionnelle le peuple de son pays bien-aimé », a déclaré le président sortant, Nangolo Mbumba, dans un communiqué.
A la tête de l’Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (Swapo), le mouvement de libération qu’il avait cofondé en 1960, Sam Nujoma avait obtenu en 1990 l’indépendance de la Namibie vis-à-vis de l’Afrique du Sud, qui avait repris la tutelle du territoire à l’Allemagne à la faveur de la première guerre mondiale. Il s’est notamment employé à unifier une population de deux millions d’habitants d’une dizaine de groupes ethniques que l’apartheid s’était appliqué à diviser.
Barbe à la Fidel Castro, il avait quitté le pouvoir à 75 ans en 2005, désignant un fidèle comme successeur et restant dans les coulisses. Lors de l’une de ses dernières apparitions publiques en mai 2022, à 93 ans, il s’était montré le poing levé et avait appelé à continuer à se consacrer « aux idéaux panafricains ».
Soutien populaire
Il avait aussi jugé insuffisante la proposition de l’Allemagne en 2021 d’un dédommagement de plus d’un milliard d’euros pour le massacre de dizaines de milliers d’indigènes Hereros et Namas, considéré comme le premier génocide du XXe siècle. « La Namibie doit retourner à la table des négociations avec l’Allemagne », avait affirmé l’ancien président, qualifiant l’offre de « terriblement insignifiante ».
Son statut de père de l’indépendance a permis à celui qui était surnommé le « Vieux » de jouir d’un soutien populaire qui ne s’est pas démenti jusqu’à la fin de sa vie. L’air souvent sévère pendant ses discours, l’ancien chef d’Etat, pourtant jugé conciliant dans un pays stable et respectant certaines libertés fondamentales, était connu pour ses accès de colère contre les « colons blancs » ou les « néo-impérialistes ». Celui dont le visage apparaît sur les billets de banque avait également ouvertement condamné l’homosexualité, la qualifiant volontiers de « folie ».
Sur le plan diplomatique, il avait soutenu son voisin zimbabwéen Robert Mugabe dans sa politique de réforme agraire pour exproprier les blancs, et maintenu des relations avec Cuba, la Libye, l’Iran ou encore la Corée du Nord.
Lutte armée
Né le 12 mai 1929 au sein d’une famille de paysans, Sam Nujoma est l’aîné de dix enfants. Il garde les vaches et les chèvres mais à 17 ans, il quitte son village reculé du nord pour s’installer dans la ville portuaire de Walvis Bay. Il vit chez une tante, dans un township, et découvre les discriminations contre les noirs.
Il devient ensuite balayeur des chemins de fer près de la capitale Windhoek, et rapidement syndicaliste, tout en suivant des cours du soir, où il rencontre des militants indépendantistes. Contraint à l’exil en 1960 au Botswana, puis au Ghana et aux Etats-Unis, il a dû laisser derrière lui sa femme et quatre enfants. A la tête de la Swapo, il lance la lutte armée en 1966, qu’il raconte dans son autobiographie. La guerre d’indépendance a fait plus de 20 000 morts.
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Devenu président, Sam Nujoma s’était refusé à instaurer une commission vérité et réconciliation sur les atrocités commises pendant les 23 ans de conflit entre la Swapo et les escadrons de la mort pro sud-africains. Mais il avait pragmatiquement intégré ces unités des « Koevoet » au sein de l’armée et de la police à l’indépendance.
Après son retrait officiel de la vie politique, il avait repris des études et décroché une maîtrise de géologie, persuadé que les montagnes namibiennes regorgent de richesses minérales inexploitées.